dimanche 18 décembre 2016

BOUQUINERIE

L'art de l'Amour au Moyen Age

Michael Camille.


Camille était l'un des grands espoirs de l'étude de l'image médiévale, hélas, disparu prématurément.
Une amie très chère m'a offert ce livre (et je l'en remercie) qui est tout aussi agréable à lire qu'à regarder.  Et comme c'est bientôt Nowell... Amour, paix sur la Terre, tout ça...
Le sujet de l'Amour est un thème fréquemment abordé par Camille (la fameuse histoire de la cale vient de ses écrits ;) Et on la retrouve ici). Nous avons donc là un ouvrage de référence sur la question.

Mais...

Car il y a un "mais".
Il s'agit d'une traduction en français. Et, parfois, il semble que le traducteur se soit allègrement emmêlé les pinceaux. Surtout entre les genres.
Pour avoir testé du Camille en VO et en VF, voire en reprise de ses théories dans des ouvrages en français... Parfois, il faut s'accrocher, et la confusion est clairement possible. Si Bartholeyns s'en était sorti très honorablement dans son article du Corps et sa Parure, le texte original restant plus convaincant cependant, d'autres se sont cassés allègrement les dents dessus (je pense en particulier à un ouvrage sur la cathédrale de Reims où le second degré de Camille n'a pas été compris du tout.)
Et ici ?
Je n'ai pas lu le texte en VO, mea culpa. Il m'apparaît néanmoins clair que, parfois, le traducteur n'ait pas su faire la différence entre hommes et femmes.
Et parfois, je me demande si Camille lui même n'aurait pas confondu certains personnages. Son analyse de Pyrame et Thisbé me laisse plus que songeuse. Ils sont entremêlés dans la mort... Et entremêlés dans le texte, ce qui est un chouïa plus gênant. Bref, mieux vaut connaître l'histoire pour reconnaître qui est qui et qui fait quoi. (edit : texte en VO lu... La confusion vient bien de M. Camille)
Autre boulette... L'expression "prison de soie" choisie pour désigner une figure féminine de la "tapisserie" de Bayeux. Qui est en laine sur lin. Mauvaise idée.
Et parfois, je ne peux que remarquer que quand Camille souligne les difficultés à identifier hommes et femmes au XIIIe et au début du XIVe siècle par costumes et coiffures... Eh bien... Pas d'accord, ce n'est pas si difficile quand on a étudié la question. (Mais on ne peut pas étudier tout comme il le faut, hélas. Ceci explique qu'il ait raté certains aspects qui sont évidents à qui s'intéresse au costume médiéval).
Encore un petit bémol. J'ai bien aimé le rapprochement entre ivoire et blancheur de peau. Mais, à mon avis, il aurait fallu insister sur le fait que les ivoires ont généralement des traces de polychromie. Ce qui change un peu la donne.

Ceci dit, il est toujours très rassurant de se dire que même les plus grands spécialistes peuvent se tromper, choisir une formule malheureuse, se mélanger dans les légendes ou montrer qu'il est humainement impossible de connaître tous les aspects de l'art médiéval...

Et en dehors de ça ?

En dehors de petites boulettes de ce type, facilement réparables si on a déjà une base dans l'art médiéval et la culture classique ? (Ce qui nécessite une approche vraiment prudente de l'ouvrage)



Ce livre est génial !
L'art médiéval profane est trop rarement abordé, donc cela permet de rééquilibrer les informations. Les clés de lecture sont évoquées de manière simple et compréhensible (la question du regard au Moyen Age -une notion qui permet aussi d'appréhender l'image médiévale-, le port du gant, les coiffures, par exemple. Dès le début, on apprend plein de choses !). Et que dire de l'importante question du rapport hommes/femmes ?
On peut aussi apprécier le fait que Camille rappelle que les ateliers passaient du profane au sacré et inversement, ce qui explique les liens, même iconographiques, entre les deux (avec ajustement selon le thème). Et puis, Camille fait partie des historiens de l'art médiéval qui n'ont pas peur de parler de la chose (le truc dont on cause pas trop, vous voyez ce que je veux dire... Je vais pas vous faire un dessin... Enfin... Ca, quoi... ) ce qui est plutôt utile quand on parle de l'Amour au Moyen Age. Faut pas oublier l'amour non plus.

Et il y a aussi quelques leçons à retenir pour nos messieurs à nous...
Messieurs, regardez bien la liste des cadeaux qu'une amante peut accepter de son chéri. Il n'y a ni aspirateur, ni sorbetière, ni grille-pain... Et pas parce que ça n'avait pas été inventé fin 12e début 13e. Mais parce que ce ne sont pas des cadeaux, ces trucs ! Non mais !

L'iconographie est riche, variée. On trouve tous les supports. Donc, on a des enluminures, des tapisseries, des aumônières, des coffrets, des valves de miroir, des bijoux, des dessins, des pièces de vaisselle, etc. Certains de ces supports semblent d'ailleurs être plus aptes à porter des décors profanes.

Je ne vais pas tout vous dire dessus, à vous de découvrir l'objet. 

C'est bien un livre dans lequel on apprend plein de choses, mais, il faut garder un petit oeil critique, surtout dans la version française (une comparaison serait vraiment la bienvenue) (edit : comparaison faite. La traduction est très bonne. Les reproches faits sont ceux du texte d'origine)

Michael Camille
L'art de l'amour au Moyen Age, objets et sujets du désir
Könemann, Cologne, 2000

The Medieval Art of Love, objects and subjects of desire,
Calmann & King, Londres, 1998

Prix : entre 10 et 112€ en VO (occasion)
entre 5 et 21 en VF (occasion)
(sans frais de port)
Dans les 40€ neuf en VO
Autour de 20€ neuf en VF.

Très recommandé, mais lecture critique conseillée, surtout en VF. 

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