mercredi 31 août 2022

COSTUME MEDIEVAL ET METHODOLOGIE

POUVOIR CONTEXTUALISER POUR ETUDIER LE COSTUME

Un bien regrettable article

Apocalypse de Trinity College, vers 1250, Cambridge, TC Library, R. 16.2, 30v, Saint Jean et le jeune brigand. (Photo, Trinity College Library)

Lorsqu'un article est publié, l'auteur risque forcément de recevoir des critiques. C'est la règle, et c'est parfaitement autorisé. Surtout si les critiques sont justifiées. Et pour une fois, on va très vite laisser de côté les plaisanteries habituelles. Parce que c'est sérieux, là. (Quoi que, les autres articles sont sérieux, mais, pas dans le ton.)

Ecouter le Tribunal des Flagrants Délires tout en travaillant = gros fous-rires = inattention = lapsus. C'est la faute à Desproges... (photo site internet Chef Simon)

Tout le monde fait des erreurs. Et je ne fais pas exception. Lapsus hilarants, inattention, confusion... Document inconnu qui est connu plus tard (on ne peut pas tout connaître, même si on fait attention). Etc. Cela fait partie du jeu. Je l'accepte, et j'essaie de tenir compte des boulettes pour ne pas les réitérer (au moins dans l'année !). Autant dire que les erreurs sont bien plus courantes qu'on ne le croit, et, avec l'expérience, on en trouve même chez de grands spécialistes (l'inattention, quand on écrit beaucoup, c'est courant, surtout si on est fatigué, qu'on a tellement écrit sur un sujet qu'on n'a pas le courage de relire, pas bien, ou qu'on relit, mais qu'on ne voit plus les fautes, parce qu'on n'en peut plus de ce texte !). C'est humain. C'est pour cela qu'un avis extérieur est toujours le bienvenu. 

Exultet de Monte Cassino, Monte Cassino, vers 1075, Ecclesia et Tellus, détail : Ecclesia, Londres, British Library, Additional 30337, 3 (Photo BL)

Là où cela devient problématique, c'est quand il y a une accumulation en tout genre sur seulement quelques pages, qu'on a l'impression d'être au resto d'Ikea, et que cela concerne surtout un domaine précis de la recherche. Il y a des erreurs qui peuvent être énormes (j'en ai à mon actif, à mon grand dam, mais je prends la chose avec philosophie et humour. Je n'avais qu'à faire plus attention), mais qui, au final, n'impactent pas trop les conclusions ou la méthode. Il y en a d'autres, répétées, qui montrent un problème de maîtrise de certains secteurs, qui vont jouer sur ces conclusions et rendre caduque la valeur de la recherche. 

Collectar d'Ottobeuren, Allemagne, dernier quart du XIIe siècle, Adoration des Mages, Londres, British Library, Yates Thompson 2, 62v (Photo BL)
Je suis tombée sur l'un de ces articles. Dans une revue à laquelle je collabore, qui, en règle générale, est de qualité. Malheureusement, parfois, des articles paraissent corrects, l'auteur semblant sérieux, passent, et se révèlent au final très décevants pour des lecteurs plus sensibles à certains aspects. Il est d'ailleurs arrivé que lorsque je sors de mes domaines et périodes de prédilection, je mette des choses très discutables (et même quand je suis dans mes spécialités), et j'accepte bien volontiers qu'on me le signale. Au dernier check up, j'appartenais toujours à l'espèce humaine. Celle qui fait des erreurs. Donc, tout est normal. Je peux faire les rectifications sur le blog. Cela n'est pas un problème. C'est ainsi que l'on progresse. 

Bref, là, cela touche à l'image médiévale et au costume XIIIe. Je répète, c'est un article publié, donc, toute critique est possible. Si les remarques faites sont de la mauvaise foi ou de la calomnie, cela sera facile à démontrer, et relèvera du dénigrement. Mais ce ne sera pas le cas ici, on va faire dans le factuel et laisser l'émotionnel de côté. 

Chut ! Souvenir de vacances studieuses... (Référence omise volontairement)
Cet article, concernant la ceinture portée sur surcot, me concerne d'autant plus qu'il s'agit d'un sujet sur lequel je travaille depuis plus de 5 ans. J'ai réuni suffisamment de sources diverses, en contextualisant à chaque fois... Et je commence à en percevoir les tenants et les aboutissants, et à faire le tri entre le réel et le symbolique (y compris le réel symbolique, à utiliser avec précautions...).

Pourquoi l'article est-il mauvais ? 

Il y a, comme nous le verrons, de nombreuses erreurs. En matière d'iconographie médiévale. En matière d'histoire du costume. En matière de culture biblique. En matière d'histoire de l'art médiéval. On trouve aussi des problèmes bibliographiques. On passera sur quelques fautes de style et d'orthographe... Il en ressort un sentiment d'absence de maîtrise des sources, ce qui nuit forcément à la contextualisation. Or, cette contextualisation est un travail fondamental en histoire du costume, en histoire de l'art, en histoire en général.

 

Bibliographie 

1er point, qu'on va vite régler... C'est le moins gênant de ceux que nous allons aborder. Mais cela pose quand même problème. Les références bibliographiques. Lorsque l'on parle d'un auteur, on prend la peine de citer le nom sous lequel il publie. Or, il se trouve que je suis citée dans l'article, avec l'initiale M. Qui correspond à mon prénom état-civil, mais pas mon prénom usuel, sous lequel je publie. C'est Tina. Cela peut prêter à confusion. M. Anderlini publie sur les atomes dans des revues comme Nature. T. Anderlini publie sur le costume médiéval et l'art dans des revues comme Medieval Costume and Textiles ou Moyen Âge. Et il y a aussi M. Anderlini qui publie sur l'égyptologie, et encore un M. Anderlini qui publie sur la musique, et le M. Anderlini qui est plus dans les sciences politiques. 

Les chats, l'Egypte... C'est donc de famille... Ouvrage de M. Anderlini
Privilégier mon prénom usuel n'est pas seulement lié au fait qu'il est utilisé depuis le lycée, mais, surtout, au fait que cela évite de confondre des chercheurs qui ont des chances d'être de la même famille, et cela permet aussi aux algorithmes de google, etc., de référencer de manière plus précise et de faciliter la recherche par internet. Utiliser l'initiale en rapport avec le nom sur la publication, cela a son importance, pour un référencement correct et pour des raisons pratiques.

Autre point concernant la bibliographie... le livre d'Enlart, que l'auteur de l'article n'aime pas. Il est cependant cité régulièrement, encore récemment, par des spécialistes de renom et dans des thèses de doctorat (par exemple, celle d'Elodie Gidoin-Barale, en 2019. On le trouve aussi, comme référence, dans l'histoire du costume sous la direction de Denis Bruna, parue en 2019, et encore par Sarah-Grace Heller ou Monica Wright). Certaines parties du livre d'Enlart sont datées, certes. Mais d'autres restent très précieuses. Il suffit pour cela de savoir quoi garder. J'avais d'ailleurs fait une note comportant des réserves dans mon livre. 

C'est pas vrai, et j'en connais certains personnellement... (google image)
Dernier point concernant la bibliographie ? Où est-elle ? Seul Enlart a droit à un référencement correct. Mais plusieurs auteurs sont nommés, sans aucune référence. Cela ressemble plus à du name dropping qu'à un travail sérieux. Une bibliographie sélective, concernant les auteurs cités, avec les titres des ouvrages se devait de figurer dans cet article, même s'il s'agit de vulgarisation. Ceci permet d'éviter le côté "name dropping" qui n'est jamais bon. 


Auteurs anonymes ? Pas tant que ça.

Deuxième point sur lequel je vais vite passer. Il arrive qu'on connaisse les noms de certains sculpteurs médiévaux, ou qu'on leur ai donné un surnom. Le Maître de Naumbourg, auquel on attribue le gisant de Mayence et Maître Radovan, le sculpteur croate de Trogir (identifié) méritent qu'on les mentionne. Surtout que, selon certains chercheurs, Voir cet article un peu ancien, la carrière de Maître Radovan peut expliquer certaines particularités de son oeuvre. Ce qui aurait permis de contextualiser et de faire des rapprochements intéressants. Il en va de même pour le Maître de Naumbourg. 

Copie du gisant de l'évêque Siegfried III Von Eppstein, entouré des deux rois des Romains. Musée de la cathédrale, Naumbourg. Original attribué au Maître de Naumbourg, vers 1239, cathédrale de Mayence
L'absence d'auteur est aussi visible au niveau des manuscrits. On aurait aimé trouver mention de Mathew Paris, l'un des peintres les plus célèbres du siècle, considéré être l'auteur de la Vie d'Edward le Confesseur, comme indiqué sur la page de l'université de Cambridge ou du Maître de Sarum pour l'Apocalypse de la BNF, cité sur la base Mandragore.

Après, reconnaissons que c'est loin d'être le plus ennuyeux vu ce qui va suivre. 

Questions religieuses

Il y a de réels problèmes en ce qui concerne l'iconographie médiévale et la culture biblique. La religion, ou l'athéisme, des auteurs n'entre pas en ligne de compte quand on étudie l'art médiéval. Il y a des catholiques pratiquants, moins pratiquants, des protestants, des juifs, des athées convaincus, des agnostiques, et des croyants de temps en temps. Ces différences peuvent expliquer certaines idées et certains intérêts, cela est vrai, mais il faut rester aussi objectif que possible. Il est pourtant majeur d'avoir un minimum de notions sur la religion, les personnages, les ouvrages, les histoires, afin de comprendre les oeuvres et les mentalités. Envisagerait-on d'étudier l'égyptologie sans avoir la moindre connaissance de la religion égyptienne, surtout si on examine des oeuvres à caractère religieux (la grande majorité de ce qu'il nous reste de l'Egypte pharaonique) ? Evidemment que non. Or, on remarque de plus en plus souvent des lacunes en ce qui concerne la religion chrétienne en histoire médiévale comme en histoire de l'art médiéval. Ce qui est plus que fâcheux quand on travaille avec des oeuvres religieuses. Hélas, cet article comporte régulièrement des erreurs au niveau de l'analyse iconographique, de l'identification des scènes, de la connaissance des différents textes bibliques.

Peut aider quand on ne sait pas ce qui se passe dans les images religieuses. Avec d'autres ouvrages, déjà conseillés ailleurs sur le blog.
Quatre saisons, douze mois

Maître Radovan, activités des mois, la taille, achevé en 1240, Trogir, cathédrale St Laurent. (wikimedia commons)
Commençons par Trogir. La sculpture de la taille est présentée comme une allégorie de l'automne dans l'article. Le portail de Trogir représente un calendrier incomplet. Avec une activité hivernale bien identifiable. Dans la tradition du calendrier, la taille figure dans les mois d'hiver. A Parme, par exemple, elle est associée au capricorne, un signe hivernal (décembre). Le baptistère de Parme présente également des saisons.

 

Benedetto Antelami ou atelier, le mois de décembre (la taille) et le signe du capricorne, qu'on devine en dessous, 1er tiers du XIIIe siècle. Baptistère de Parme (Photo personnelle)
Dans d'autres calendriers, on la met en février, ou en mars (oui, du coup, là, on passerait au printemps... Enfin, tout dépendra du signe du zodiaque associé. Dans le Psautier Rutland, c'est mars). Bref, les activités hivernales tendent à voyager, mais toujours dans les mois d'hiver (forcément), ou au tout début du printemps. On se retrouve donc avec deux activités surtout hivernales, avec la scène d'intérieur. 

Maître Radovan, le mois de mars, Cathédrale de Trogir (Wikimedia Commons)
On a également le mois de mars, qui semble confirmer l'influence du calendrier de la Basilique Saint Marc de Venise, et pourrait justifier un passage à Venise de Maître Radovan. 

Archivolte des mois, Mars, années 1230, Basilique Saint Marc, Venise. (Photo personnelle)
Un mois très identifiable, et non une saison. Rappelons que le calendrier est un sujet à risque quand on étudie le costume médiéval, comme expliqué ici. Le risque d'influence antique est important. Et il y a déjà de l'influence antique à Trogir. 

Maître Radovan, Février ?, Cathédrale de Trogir (Wikimedia Commons)

 
Reconstitution d'un fauteuil romain en osier, Museum of London. A comparer avec le fauteuil précédent. (Photo personnelle)
Par chance, c'est une image acceptable. Avec un surcot bien visible, fermé par des boutons au col. Ceinturé pour ne pas gêner le travailleur. J'avais déjà indiqué dans mon livre et dans un article sur la ceinture au 13e siècle, avec l'exemple du surcot de ste Elisabeth, que le surcot pouvait être porté avec ceinture pour simplifier la vie, sous entendu le travail, ce qui est valable aussi pour les hommes (chose que j'ai aussi signalée lors d'un échange d'idées au sujet du surcot ceinturé dans un mail de 2017 avec un spécialiste de l'art médiéval). Rien de neuf dans cet article. En dehors d'une image mal légendée (même si on trouve beaucoup de références aux saisons sur internet, l'analyse de l'ensemble du portail montre qu'on est bien sur des mois. C'est cela aussi, la contextualisation : replacer une oeuvre dans son ensemble). 

Bréviaire, France, Paris, 1285-1297
MS M.1042 fol. 2r, Février. NY, Pierpont Morgan Library (photo PM Library)
Quant au fait qu'un paysan porte un surcot en hiver... Le surcot est une couche supérieure pour avoir plus chaud, en plus d'être un phénomène de mode. En représenter un n'a rien d'étonnant, et a l'intérêt de renforcer l'idée d'hiver. Ne pas oublier également qu'il existe des surcots à manches longues, portés sur la cotte, qu'il est impossible de différencier d'une cotte. Certains manuscrits, quand on les observe bien, montrent qu'effectivement, lors des mois d'hiver, les paysans peuvent porter plusieurs couches, distinguables par leurs couleurs, malgré les manches longues. Doit-on prendre ces images pour argent comptant, ou s'agit-il simplement d'un moyen de montrer le froid ? 

Bréviaire, France, Paris, 1285-1297
MS M.1042 fol. 2v, Mars. NY, Pierpont Morgan Library (photo PM Library)
On peut partir du principe que pour se tenir chaud, une couche supplémentaire est la bienvenue, et que la resserrer sur le corps avec une ceinture tient encore plus chaud, tout en gênant moins. On retrouve même ce détail plus tard, au XVe siècle, dans les Très Riches Heures du Duc de Berry. Mais ne jamais perdre de vue que les calendriers sont des sources à risque. Et non des sources "sûres". 

Une dernière chose concernant ce surcot, qui nous ramène à la question de la fiabilité des calendriers. Il semble, si on le compare à d'autres représentations, qu'il corresponde à un type de vêtement aisé (encolure, boutons, etc.) visible sur des personnages de la noblesse. 

Gisant de Philippe de France, frère cadet de Saint Louis (mort en 1235), Basilique de Saint-Denis (Photo personnelle)
Rappelons qu'il est très fréquent, sur les calendriers, de voir les paysans habillés de manière riche : chapes à multiples plis, vêtements de soie. Ce fait interroge quant à la pertinence d'utiliser ce modèle qui pourrait être luxueux sur un paysan en train de travailler.

Psautier de Lambert le Bègue, Février. Vers 1255-1265, Londres British Library, Ms Add. 21114, 1v (photo BL). Le paysan taillant porte une cotte en soie, d'après sa décoration.

"Marie". 

L'Eglise Triomphante, carnet de Villard de Honnecourt, Paris, Bibliothèque Nationale de France, français 19993, 4v (Photo BNF)


Abordons maintenant la pseudo Marie de Villard de Honnecourt, et les surcots féminins ceinturés

Déjà, précision en passant. La tunique de sainte Claire présentée comme un surcot dans le texte de l'article est bien une cotte. C'est celle de sainte Elisabeth qui est un surcot... Mais bon, l'erreur est pardonnable. Les petites confusions de ce genre sont courantes.

Pour la "sainte Marie"... Le f. 4v (ou f. 8) des carnets n'est pas Marie, mais l'Eglise. Ecclesia. site BNF, aller à folio 8, noté Eglise Triomphante

On peut assimiler la Vierge à l'Eglise, mais, néanmoins, on fait clairement la distinction entre la Vierge en tant qu'Eglise et Ecclesia, figure triomphante, portant couronne, drapeau et calice, généralement opposée à la Synagogue, yeux bandés, étendard brisé, couronne tombant ou au sol, et tenant les tables de la loi. Il s'agit d'une représentation courante dans l'art chrétien, et facilement identifiable.

Benedetto Antelami, Déposition, Détail : Marie et Ecclesia, vers 1178, Parme, Cathédrale (Photo personnelle) On retrouve une tenue similaire à l'Ecclesia de Villard.

Un autre problème est notable au sujet du dessin de Villard. La tenue que porte Ecclesia, chez Villard, est décrite dans l'article comme un surcot à manches 3/4. Pour contextualiser une oeuvre, il est important de savoir la placer chronologiquement, pour voir ce qu'elle apporte de neuf, ou pas. Il est donc primordial d'avoir une idée de ce qui précède, et même de ce qui suit. Travailler sur le costume XIIIe en négligeant le costume XIIe ou le costume XIe, c'est risquer de manquer des détails importants, comme les tenues archaïsantes. Or, ce "surcot" n'en est pas un. 

Retour triomphal d'un empereur byzantin (Jean Ier Tzimiskès ?), dit "Gunthertuch", soierie byzantine, vers 970-975, détail : personnification d'une partie du peuple de Byzance, Musée Diocésain, Bamberg (Photo personnelle)
Il s'agit d'une tunique courte, portée sur une tunique plus longue, qui parcourt l'iconographie chrétienne depuis plusieurs siècles, et est souvent portée par les allégories ou les saintes. 

Maître du Registrum Gregorii, Registrum Gregorii de Trèves, Otton II entouré des provinces de l'Empire, fin Xe siècle. Chantilly, Musée Condé, Ms 14bis. (Wikimedia Commons)
Et nous avons là une allégorie. Archaïsante, malgré son drapé moderne. Cette tenue est aussi à rapprocher des tenues ecclésiastiques, l'aube dépassant de la dalmatique. On peut encore penser à certaines tenues d'apparat royales ou impériales, où, là encore, on constate une tunique plus longue en dessous. 

Plaque funéraire de la Reine Frédégonde (545-597), vers 1160, Basilique de Saint-Denis (Photo personnelle)
Cette tenue n'est en rien représentative du XIIIe siècle, mais est, au contraire, traditionnelle et a une longue histoire, même si les artistes peuvent la transformer pour l'actualiser un peu. 

Autel portatif aux vertus cardinales, Force et Justice, Cologne, vers 1150-1160. Berlin, Kunstgewerbemuseum (Photo personnelle)
Cela reste une tenue archaïsante, à ne pas utiliser comme exemple du XIIIe siècle. Et, bien souvent, cette tunique est agrémentée d'une ceinture, cachée par le blousage ou pas. On trouve aussi des tenues de l'Eglise bien plus moderne (comme à Strasbourg) mais le rappel au vocabulaire ecclésiastique peut se faire, par exemple par l'intermédiaire d'une broche plus grosse que les fermaux laïcs. 

Ecclesia, du portail sud de la cathédrale de Strasbourg, vers 1220. Strasbourg, Musée de l'oeuvre Notre-Dame (Photo personnelle). Tenue actualisée. Le gros fermail renvoie aux fermaux religieux.
En ce qui concerne Marie, la vraie... Elle porte souvent une ceinture bien en évidence pour une raison très simple : rappeler le miracle de l'Assomption, et, surtout, le deuxième doute de saint Thomas. Il y a référence à la ceinture de la Vierge, une des plus importantes reliques la concernant, et au miracle s'y rapportant. On peut aussi y voir une allusion à la ceinture de chasteté (pas celle des fantasmes du XIXe siècle), rappelant la virginité de Marie, mais, après avoir discuté de la question avec une collègue, elle a su me convaincre de privilégier le lien avec saint Thomas, sans pour autant exclure l'autre, qui reste valable, mais moins important que le miracle de l'Assomption. Dont acte. 

Maître de l'abbé Erminold, Vierge de Ratisbonne, vers 1290, Nüremberg, Germanisches Nationalmuseum. (Photo personnelle)

Par ailleurs, on note souvent, dans les sources écrites et iconographiques, la présence de surcots féminins, et ce même avant 1200. Il ne faut pas oublier que le surcot peut avoir des manches... Ce qui est précisé dans certaines sources écrites. Pour les sources iconographiques, on peut se référer au manuscrit du Liber ad Honorem Augusti, présentant des surcots sans manches à la fin du XIIe siècle.

Le Psautier Rutland (British Library, Add Ms 62925)

Psautier Rutland (à l'usage de Sarum), vers 1260, Londres, British Library, Add. Ms 62925. (Photo BL) f. 3r, mois de Mai. Réalisé par plusieurs artistes, le Psautier Rutland comporte plusieurs personnages avec surcots ceinturés, toujours dans des contextes précis, déjà croisés, comme ici, encore, un calendrier...
Permettez-moi de citer le texte de l'article et ceux qui ont l'habitude des psautiers comprendront immédiatement qu'il y a un problème de taille.

"Deux manuscrits anglais nous montrent également des ceintures sur surcots dans des contextes peu précis : le Psautier de Rutland et l'Apocalypse dite du Trinity College (sic), tous deux datant du milieu du XIIIe siècle. A l'heure actuelle, ces sources ne peuvent être analysées avec suffisamment de précision pour pouvoir définir le contexte d'utilisation des ceintures sur surcots qu'elles représentent."

Pour l'instant, intéressons-nous au cas du Psautier Rutland.

"Contextes peu précis". Les deux scènes choisies par l'auteur sont légendées ainsi : "Roi trônant au milieu de sa cour" et "Roi rendant la justice". 

Les scènes qu'on trouve dans les psautiers, même quand elles paraissent innocentes, sont souvent à mettre en relation avec le psaume correspondant. Ce rapport n'est pas toujours évident, mais il existe. Par ailleurs, selon certaines traditions, parmi les auteurs des psaumes se trouve un personnage très célèbre : le roi David. Ce qui explique sa présence fréquente dans les psautiers. Ces deux scènes présentées par l'auteur de l'article comme ayant un vague rapport avec la féodalité (on pourrait l'entendre ainsi) sont en réalité deux scènes très communes de la vie du roi David. Et figurent d'ailleurs dans un ouvrage très utilisé quand on travaille sur le costume médiéval du XIIIe, la Bible de Maciejowski conservée à la Pierpont Morgan Library de New York. La similitude de thème aurait pu être notée ou l'image de Maciejowski utilisée pour identifier celle de Rutland

Bible de Maciejowski, Onction de David,
Paris, France, ca. 1244–1254, New York, Pierpont Morgan Library, MS M.638, fol. 36r (détail). (Photo PM Library)
Par ailleurs, le manuscrit se trouve à la British Library de Londres, et la simple lecture de la page du catalogue le concernant indique les sujets des deux enluminures. Voir ici

Psautier Rutland, Couronnement et onction de David, vers 1260, Londres, British Library, Ms Add. 62925, 29r (Photo British Library)
Il s'agit pour le folio 29r du couronnement et de l'onction de David et non d'un roi anonyme au milieu de sa cour. La contextualisation, si on ne connait pas déjà le thème, peut ainsi se faire à partir de la lecture de la page de la BL. Les deux personnages entourant David sont les prêtres procédant au sacre et à l'onction. Onction mentionnée dans les psaumes.  

Psautier Glazier, Couronnement de David, Londres, ca. 1225, New York, Pierpont Morgan Library, MS G.25 fol. 4r (Photo PM Library)

Il conviendrait de rapprocher cette illustration avec le Couronnement de David du Psautier Glazier, de la Pierpont Morgan Library (Ms G25, vers 1225), à la fois proche et très différente (celle de NY omettant l'onction). Les liens paraissent réels, mais les différences sont à mettre en rapport avec un contexte historique autre. Il y a suffisamment d'indications dans la page de la BL pour commencer une petite enquête passionnante permettant de préciser un contexte historique, autour du psautier Rutland et de la famille commanditaire pour entrer dans l'histoire du XIIIe siècle anglais, et comprendre les portées politiques du manuscrit. (Mais ceci est une autre histoire).

Comme je l'ai indiqué précédemment, je travaille sur la question des ceintures sur surcot depuis plus de 5 ans (par intermittence... Mais, ça a déjà une bonne forme), et, je préfère garder mes interprétations pour une communication. Néanmoins, je peux dire que rien n'est surprenant et tout s'inscrit dans une logique d'ensemble. Il suffit de savoir déterminer les contextes. Très facile ici. La mise en scène de l'image correspond d'autre part à de multiples représentations de couronnements dans l'enluminure anglaise, qu'il s'agisse de rois bibliques ou historiques, dont certaines paraissent inspirées de Glazier et/ou Rutland.

Psautier Rutland, Folie de Saül, vers 1260, Londres, British Library, Ms Add. 62925, 55r (Photo British Library)
L'autre enluminure du Psautier Rutland, "Roi rendant la Justice", est tout aussi identifiable, et figure également dans le descriptif de la BL, f. 55r : Saül menaçant David. Scène, je le répète, qui figure dans la Bible de Maciejowski (et en petit dans le Psautier Glazier).

Ce roi rendant la justice, selon l'auteur de l'article, est en fait l'incarnation du mauvais souverain, victime de la folie et de la jalousie, et désirant tuer David. Bref, il s'agit de l'injustice, ce qui est renforcé par l'image du folio suivant (55v) figurant un roi difforme assassinant un prêtre (Saül tuant Ahimelech, alors qu'en fait Saül n'a fait "que" ordonner la mort des prêtres, l'exécutant étant Doeg). 

Bible de Maciejowski, Saül voulant tuer David (Folie de Saül),
Paris, France, ca. 1244–1254, New York, Pierpont Morgan Library, MS M.638, fol. 29r (détail). (Photo PM Library)

La légende du "roi rendant la justice" est bel et bien une lecture totalement erronée de la scène (qui est donc dans Maciejowski, cette bible apparaissant plus être traitée comme une banque d'image que comme un manuscrit ayant un sens et racontant des histoires...). 

Là encore, cette image du Psautier Rutland peut être rapprochée du contexte politique et familial des commanditaires, et complète même l'onction de David.  

Apocalypses

Commençons par celle de Trinity College. consulter les fichiers (cliquer sur open in universal viewer pour en voir la totalité)

 Apocalypse de Trinity College, vers 1250, Cambridge, TC Library, R. 16.2, 1. Saint Jean devant l'empereur Domitien. (Photo, Trinity College Library)
On remarque un païen vêtu d'un surcot rouge à manches dépassées, et ceinturé. Un regard sur ce surcot montre qu'il est très court, et même déchiré. Nous sommes ici devant un personnage vulgaire (on s'en doute), qui en porte tous les signes sur son visage et son costume. En outre, ce personnage est encore un personnage biblique, donc susceptible de porter des vêtements étranges... Comme, aux folios suivants, plusieurs personnages tout aussi vulgaires vêtus de tissus précieux (parfois déchirés), évoquent l'Orient et le passé. Nous retrouvons une logique comparable à celle des vêtements trop riches des paysans des calendriers, ces mondes fantaisistes... Pour en revenir au païen emmenant saint Jean, sa tenue en mauvais état et bien trop courte peut justifier une ceinture pour la maintenir en place (c'est une proposition comme une autre), mais, surtout, nous retrouvons un personnage de basse extraction en train de travailler. 

Un autre surcot ceinturé apparait f. 30v. Ici sur un jeune chasseur, lui aussi court vêtu. Nous sommes donc encore devant un personnage pratiquant une activité. La ceinture, plus large et plus courte que de coutume, se trouve avoir ici une utilisation correspondant à l'activité pratiquée : elle permet d'y passer des flèches. 

Jeune homme mal habillé, avec de mauvaises intentions... Apocalypse de Trinity College, vers 1250, Cambridge, TC Library, R. 16.2, 30v, Saint Jean et le jeune brigand. (Photo, Trinity College Library)
Le jeune "chasseur" présenté ici est en fait un jeune homme devenu brigand que saint Jean va ramener dans le droit chemin et il va même en faire un évêque (Légende Dorée de Jacques de Voragine). 

Le jeune homme est sauvé par l'apôtre. Noter l'allongement progressif du vêtement accompagné du rétrécissement de l'épaisseur de la ceinture, marques de la salvation et d'un retour à une vie plus digne. Apocalypse de Trinity College, vers 1250, Cambridge, TC Library, R. 16.2, 30v, Saint Jean et le jeune brigand. (Photo, Trinity College Library)
Nous retrouvons donc l'idée d'une ceinture sur surcot pour un personnage déprécié. Il est toujours intéressant de considérer la totalité d'un manuscrit afin d'observer des phénomènes récurrents et leurs contextes. 

Passons à l'Apocalypse de la BNF, Ms Français 403, f. 7v, attribuée au Maître de Sarum.

"Roi David en train de chasser" (sic)

Le roi David est cité 3 fois dans l'Apocalypse, dont 2 pour préciser que le Christ en est le descendant. Il n'agit pas. Certes, l'Apocalypse de Trinity College montre qu'on peut ajouter des scènes de la vie de saint Jean à un manuscrit. Saint Jean, s'il connaissait bien le descendant du roi, n'a jamais rencontré David personnellement, ou en vision. Avec ce folio, nous sommes au coeur même de la vision de saint Jean. 

page du site de la BNF. Ouverture du Premier Sceau.
Lorsque l'on consulte la base Mandragore de la BNF, en cliquant sur le folio en question apparaît la légende "1er sceau". On remarque d'ailleurs, lorsque l'on a l'intégralité de l'image, la présence de l'agneau ouvrant le 1er sceau. Ce David en train de chasser, croisant miraculeusement l'apôtre favori de son lointain descendant, est en réalité le mystérieux 1er cavalier de l'Apocalypse. Un personnage qui a donné lieu à de multiples interprétations... Présenté ici, semble-t-il, négativement, comme le montrerait son Judenhut. Notons que le 4e cavalier (f. 9) a lui aussi un surcot ceinturé. 

f. 9. Quatrième Sceau (Photo BNF)

 

Bible Moralisée de Vienne, 1179.

Pour en savoir plus sur ce qu'est une Bible moralisée, Article d'Aline Debert du CNRS

(On peut relever, dans cet article un petit lapsus, à un moment, la cote du manuscrit est 1779 au lieu de 1179. Une erreur déjà relevée, de manière récurrente, dans un livre excellent. Comme quoi, les lapsus sont monnaie courante, et sont souvent sans conséquence sur le fond d'une publication. En revanche, lapsus, confusions dues à la fatigue, petits oublis, fautes d'orthographe, etc. apparaissent comme des os à ronger pour les rageux, qui en font leurs choux gras, étant incapable de s'attaquer au fond ou à la méthode.)

Légende proposée par l'auteur de l'article : "Scène de banquet de l'Ancien Testament" (f. 138... en fait, 318... Mais pas vraiment... C'est le système de la publication numérique. Le vrai folio est 155). 

f. 155, G (gauche) A et G a Histoire de Job et commentaire. (photo ÖNB Vienne)
 

Si vous avez pris la peine de lire le lien ci-dessus, vous savez que les Bibles Moralisées sont constituées de la Bible (Ancien Testament et Apocalypse dans le cas de 1179) et de "commentaires". Les scènes s'alternant. On a donc Aa (A Ancien Testament/ a "commentaire"), Bb Cc Dd sur chaque folio, ou G1, G2, G3, G4, D1, D2, D3, D4, ou, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, selon les spécialistes. Soit 8 scènes (les impairs correspondant à l'AT, les pairs aux commentaires). En prime, selon les manuscrits, les images se lisent d'abord de haut en bas (Vienne 1177, par exemple), ou de gauche à droite (Vienne 2554, où là on a AB ab CD cd, et les de la colonne de droite sont sur la droite alors que sur 1179, on a les textes à gauche de l'image que l'image soit à gauche ou a droite). Comme toujours, la lecture des images médiévales demande de s'adapter à chaque manuscrit. Cette image de Vienne 1179 est a ou 2, A étant un épisode des histoires de Job (où celui ci discute avec ses derniers amis). L'image publiée dans l'article n'est pas une scène de l'Ancien Testament, mais le commentaire. (J'espère que c'est clair, avec ces systèmes différents... Mais en fait, c'est simple quand on a l'habitude).

Ceci est le premier problème concernant cette légende. 

Ensuite, "Scène de banquet". Il se trouve que quelques pages plus tôt (f. 144), on trouve une authentique scène de banquet de l'Ancien Testament, celui des enfants de Job. Et on note une différence majeure entre les deux : la table. Un repas sans table, cela s'appelle un pique-nique. Quoique, lors d'un pique-nique, il y a une nappe. En fait, un repas de ce type, c'est plus soirée crêpe dans une chambre de cité-universitaire où on se case comme on peut...

Banquet des enfants de Job, f. 144. (photo ÖNB Vienne)
Mais ce n'est pas encore la bonne légende. On constate qu'il y a entre hommes et femmes certains gestes qui indiquent que nous sommes plus dans une scène... coquine. En fait, c'est un lupanar. Ce qui est confirmé par le texte figurant à côté de l'image "Ad voluptatem & luxuriam conferunt" (Ils contribuent au plaisir et à la luxure). Dans l'image A, Job expliquait à ses amis qu'il n'avait pas trop écouté les musiciens (en gros). Le commentaire a énonce que la "mauvaise" musique mène à la débauche, d'où cette scène de lupanar. Il suffisait de lire le texte pour voir, même avec un simple mot (Luxuriam est bien identifiable) de quoi il était question. 

folio 155 (photo ÖNB Vienne)
Nous avons ainsi une nouvelle légende totalement fantaisiste qui annule toute démarche, car, lorsque l'on travaille à partir des images médiévales, il est fondamental de savoir, déjà, quelle est la scène, qui sont les personnages, ce qu'ils font. Il faut savoir si l'on est dans une scène biblique, historique, un roman... Il semble que tout est considéré comme étant réel. Or, n'oublions pas l'avertissement de Jean Wirth, qui figure en évidence sur ce blog : 

"Il arrive que des images reproduisent avec exactitude les objets en usage, mais c'est loin d'être toujours le cas. Le piège est particulièrement dangereux pour l'historien du costume, entre autres parce que le goût de l'exotisme multiplie les vêtements de fantaisie, tandis que les personnages principaux de l'iconographie religieuse, le Christ et les apôtres, n'ont guère changé de tenue depuis la basse Antiquité." (L'Image du Corps au Moyen Âge, Florence, ed. du Galluzzo, Sismel, 2013, p. 7)

Conseil lecture
Les oeuvres médiévales sont emplies de toutes sortes de vêtements, certains dérivant de tenues existant. D'autres de tenues ayant existé. D'autres sont réels. Et tout cela peut se retrouver sur une même personne. De nombreuses sources de cet article ont été traitées sans la moindre précaution, le plus petit recul. Avec un parti pris flagrant : la volonté de trouver confirmation de la présence du surcot ceinturé chez tout le monde, en toute occasion, même si cela reste rare. 

Pourtant, Wirth et Baschet sont évoqués, ainsi que ce qui est considéré comme des évidences depuis plusieurs années (ne serait-ce que par mes propres travaux ou ceux d'Elodie Gidoin-Barale sur Robinet Testard). Mais les actes, les images choisies, la méconnaissance flagrante des contextes font que toutes ces belles paroles théoriques semblent de la poudre aux yeux, ajoutée au name droping mentionné plus haut. L'absence de vérification des sujets et des identités en est la preuve. Il est, avec une telle "méthode", impossible de contextualiser de manière correcte et de savoir démêler le réel de l'imaginaire. 

Conseil lecture

Conclusion

En résumé : la méthode est faussée. Les conclusions n'ont alors aucune valeur, quelles que soient ces conclusions. Même ce qui est correct (l'aspect pratique quant au travail) perd sa validité à cause des légendes fantaisistes et du manque de rigueur dans la contextualisation. Cela laisse entendre véritablement et profondément que les enluminures et sculptures ne sont que des banques d'images où puiser sans souci pour parvenir à reconstituer un costume ou un intérieur. Comme c'est hélas le cas chez certains reconstitueurs (j'en connais d'autres qui, même sans formation en histoire de l'art ou en histoire, ont très bien saisi la nécessité et la manière de bien contextualiser textes et images, donc, ne généralisons pas). L'auteur se montre plus de ces reconstitueurs-piocheurs que chercheur, en évitant de faire le tri entre sujets historiques (anciens), bibliques, allégoriques et les très rares sujets contemporains, en omettant de se demander qui est représenté exactement, et ce qui émane des protagonistes et antagonistes figurés. Et ne parlons pas du cherry-picking.

Conseil lecture
L'analyse d'images médiévales, c'est quelque chose de bien plus précis et compliqué que cela. Tout un travail à faire en amont avant d'arriver à former des hypothèses, à proposer des interprétations acceptables. Chaque cas est un cas particulier et doit être traité comme tel. Au bout d'un certain nombre d'années, on acquiert des automatismes, si on est parti sur de bonnes bases (genre un prof comme Wirth ou Heck) qui permettent de repérer, de reconnaître, ce qui va et ce qui ne va pas. On trouve, dans le texte, des phrases concernant la méthodologie émanant d'ouvrages plus anciens, et qui font sérieux. Mais la manière dont l'image médiévale est (mal)traitée donne le sentiment que ces phrases ont été mises là pour faire bien, un peu comme le name dropping évoqué plus haut. Car on est bien contraint de reconnaître que l'approche des sources imagées est à l'antithèse de ce qui est avancé, ce qui accroit le malaise qui provient de cet article. L'absence de contextualisation sérieuse est indéniable étant donné les légendes inventées et mène à un ensemble qui ne tient pas la route, et qui ne peut arriver à des conclusions correctes, sauf par accident heureux. Le sujet est mal maîtrisé, le manque d'expérience dans le domaine de l'approche des images médiévales, éloquent. Or, c'est un enjeu majeur.  

Conseil lecture
Il y a encore d'autres erreurs dans cet article, mais je vais m'arrêter ici. Elles sont mineures, et relèvent toujours des mêmes problèmes : utilisation de scènes du passé (donc à risque) sans précautions. Légendes incomplètes (On aurait aimé voir la mention "drapier fraudeur").
Conseil lecture (l'intégralité)

Toutes les erreurs citées ici sont facilement vérifiables en se référant aux sources données, aux nombreux manuels iconographiques, à la Légende Dorée, à la Bible (mais attention, celle utilisée au Moyen Âge, pas les traductions actuelles), etc. Une ou deux erreurs peuvent passer. Mais, à partir d'un certain nombre, des questions quant à la méthode se posent légitimement. 

Voilà. Ceci était une critique (presque un debunkage) d'un article publié. Evoquant les ressentis d'une lectrice qu'on peut qualifier de... qualifiée pour procéder à cet exercice. Tout article publié peut être critiqué. C'est légal. 

PRECISIONS UTILES

Pour rester dans la légalité, parce que l'auteur est procédurier (avant même la parution de cet article), je me dois de changer quelque chose. 

En effet, pour épargner, surtout, le magazine, j'avais préféré ne pas citer le nom de l'auteur ni la revue. J'espérais alors juste attirer l'attention sur les multiples problèmes de méthodologie, déjà notés précédemment dans ses publications internet ou lors de discussions privées. Peut-être décidera-t-il enfin de se remettre en question. Mais surtout, ceux qui ont pu lire l'article et ont souvent relevé des problèmes, avaient une vue d'ensemble sur ce qui ne va pas. Or, comme je l'ai indiqué, monsieur Charles Bricout est procédurier. Et pourrait profiter du fait que je n'ai pas souhaité embarrasser Moyen Age Magazine. Je vais donc respecter strictement l'article L122-5 du code de la propriété intellectuelle et citer son nom et les références de la publication : 

Charles Bricout ; "Entre usage et mode, le port de la ceinture sur le surcot masculin au XIIIe siècle", in Moyen Age Magazine, 130, 56-65, Août-Septembre-Octobre 2022.

Extrait du site legifrance.gouv.fr

Article L122-5

Version en vigueur depuis le 26 novembre 2021
Modifié par Ordonnance n°2021-1518 du 24 novembre 2021 - art. 1

Lorsque l'oeuvre a été divulguée, l'auteur ne peut interdire : 

3° Sous réserve que soient indiqués clairement le nom de l'auteur et la source :

a) Les analyses et courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées ;

b) Les revues de presse

[L'article que j'ai écrit relève bien de ces exceptions : critique, polémique, pédagogique, scientifique ET information, même si l'aspect polémique est limité, vu qu'il est facile de démontrer les erreurs récurrentes indéniables.]

Les exceptions énumérées par le présent article ne peuvent porter atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni causer un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur.  

[Les nombreux problèmes relevés dans l'article publié justifient totalement l'écriture de ce billet de blog.]

Mon seul tort a été de vouloir épargner une gêne certaine à l'auteur en le citant, et une gêne moindre au magazine dont la bonne foi ne fait aucun doute. Après mûre réflexion, j'ai préféré réparer cette erreur.

Tina (et non Martine, qui reste réservé à l'état-civil et à l'administratif et à certains membres de la famille âgés qui n'ont jamais pu s'y faire !) Anderlini, docteur en histoire de l'art.