jeudi 4 juin 2020

COSTUME MEDIEVAL

DE BONNES ET SAINES LECTURES

Des livres utiles pour les costumes. 5.



Source du port de robe en soie associé aux gants de ménage. C'est indiscutable. Preuve par l'image. Et en plus, c'est courant. Les 2 personnes dans la pièce portent des robes de soie. Et on est dans une cuisine.
Questions de soies 

Ah ! La soie, quel merveilleux tissu ! 
C'est beau, c'est doux, ça brille, c'est avec des couleurs toutes flashy ! 
Et en plus, quoi de mieux pour montrer la richesse d'une personne, quand on fait un noble. Mais...

Les nobles fauchés existent, je veux mon neveu...
Les paysans et bourgeois riches ils sont nombreux. 
Seulement voilà, faut pas trop se la péter
C'est qu'il y a une hiérarchie à respecter.

Autant dire que c'est tout un poème, ces soieries.  
En prime, c'est que souvent autant donner un bras. 
Ca coûte la peau des fesses de péter dans la soie. 
C'est bien mieux pour habiller la Vierge Marie. 

N'oublions surtout pas de pas prendre du doupion,
Les déchets de soie, c'est pas des déchets pour rien,
S'en coudre des vêtements, c'est vraiment pas bien. 

On ressemble à un cercueil c'est quand même couillon
Si on se laisse tenter par les beaux médaillons
C'est top pour tenture ou couronnement voyons.



On n'achète pas n'importe quoi. On tient compte des usages médiévaux, des liens commerciaux, des endroits où on a trouvé ceci ou cela, des dates, etc. 
L'ensemble saya + pellote castillan XIIIe avec un tissu qui n'a jamais dépassé le Caucase et le Xe siècle, faut pas s'appeler Einstein pour voir qu'il y a au moins deux bugs majeurs. 
Il ne s'appelle pas Einstein, mais il a compris.
C'est vrai qu'il y a une dizaine d'années il y avait une grosse demande de soieries et peu d'offre. Du coup, comme on était jeunes et ignorants, on se rabattait sur le doupion, la soie sauvage, la bourrette, etc.
De la littérature, il y en avait déjà à l'époque. Il y en a plus maintenant. Quand on met le nez dans les bouquins, on finit par se taper la tête contre les murs... Parce qu'intérieurement, on additionne ce qu'on a payé pour ça, ça, ça, et encore ça, et le temps passé, pour des vêtements qui ne sont pas corrects ! 
Maintenant, on est passé aux brocarts, aux médaillons... Et c'est la fête des braies ! Les tissus hors contexte ! Yeah ! Je suis joie. Ca se voit ? 

Les vendeurs donnent généralement des infos. Certains vendeurs sont tout à fait corrects, et ne poussent pas à la vente. Ils donnent les usages. Aux acheteurs d'agir avec sagesse. D'autres... Ce n'est pas le cas du tout. Ils sont à fond dans le biais de confirmation. Ils se fichent des usages d'origine. Ils veulent vendre. J'ai été très agréablement surprise par des vendeurs de l'Est, très curieux des réalités des soies et cherchant les informations précises, et écoeurée  par des vendeurs de l'Ouest, certains d'entre eux ne se posant même pas la question des types de sources. Ils veulent vendre. Avec des acheteurs qui souvent pensent que se la péter version méd, c'est accumuler les tissus qui brillent avec 15 couleurs différentes réparties sur 3 couches qu'il faut les lunettes de ski pour pouvoir les regarder même en photo, ils ont de la clientèle, ces vendeurs (qui sont leurs propres premiers clients, souvent). Donc, faut surtout pas se remettre en cause.  
Ouais, là, ça m'énerve beaucoup.  

Contre ça, une seule solution : LIRE !

Alors oui, ça coûte cher, mais ça coûte plus cher de se la péter en pseudo 13e avec un manteau fait dans une reproduction -ne correspondant pas à l'original dans ses spécificités- d'un tissu LITURGIQUE du milieu XIVe siècle que d'acheter le bouquin qui aurait empêché l'achat du tissu en question. Je me répète. Mais le bouquin, il peut resservir. Le tissu, non, il ne sert à rien... 300 euros foutus en l'air. Mais, bon... On s'en fiche... y a 4 personnes qui vont relever l'erreur, donc, on va continuer de l'utiliser. 

Je suis passée en mode énervé, là... 

La soie, cet objet si délicat, ce sujet encore plus délicat.
Des livres, il y en a plein. Souvent, il faut bien chercher pour trouver les infos qui évitent les bêtises. Ben oui, y a pas un livre qui vous dit distinctement "ça, pour l'instant, d'après ce qu'on sait, ça va pas." Il va vous dire "on a ça, on a ça, on sait ça"... avec en sous entendu "Mais ça peut changer, des fois que..."

Le plus sage est de rester dans la prudence (ou le plus prudent est de rester dans la sagesse). Donc, on ne spécule pas sur ce qui pourrait avoir existé. On en reste à ce pour quoi on a des preuves. Et on aborde ça de manière raisonnée (on a trouvé un tissu qui avait du doupion en fil de chaîne ? Ca ne justifie pas du "tout doupion". On sait que des troufions de dernière zone portaient du doupion ou de la soie sauvage en tenue d'apparat dans le coin le plus pourri de l'Anatolie ? Ca ne justifie pas le même tissu en noble français 14e). 
C'est le meilleur moyen de ne pas jeter ses vêtements après coup, si on a envie de présenter une vision correcte du costume médiéval. Comme toujours, si on fait de l'évocation, on a plus de libertés à ce niveau. 

Il existe des bouquins à lire avec attention, surtout si vous avez un achat en prévision. Avant de sauter sur le coupon, essayez d'en apprendre un maximum sur ses origines, son usage, là où on l'a trouvé. Si on n'a pas les infos, parce que malheureusement cela arrive souvent... Si on ne connait pas le contexte, la région où il a été trouvé, c'est niet ! Soyez forts ! Résistez ! L'achat compulsif, c'est le mal. 

On parle de dépenses de centaines d'euros. Pour jeter après. 

Comme toujours, je vous renvoie à Medieval Clothing and Textiles et à Moyen Age (ça tombe bien, il y a des articles sur la question, made by Mapomme).
  Je vous renvoie aussi à ces articles déjà parus sur le blog :

Lady Castel vous explique les soies
Ne répétez pas les perroquets
Le complément de mon article dans MCT
S'habiller classe pour rencontrer Dieu
Livre sur comment s'habiller pour faire la messe en passant, encore un tissu en vente qu'il faut fuir !

Là, y a de quoi faire. 
Allez, biblio, je fais ça par langue cette fois. Comme d'hab, c'est subjectif... Vous connaissez la chanson. Et si vous avez des ouvrages que vous pensez digne d'intérêt et que j'aurais raté, n'hésitez pas à me les indiquer.  

Pour ceux qui ont du mal avec les langues étrangères, quelques trucs en français.


Sophie Desrosiers, Soieries et autres textiles de l'antiquité au XVIe siècle, par  Paris, RMN, 2004.
J'en ai déjà causé, mais je le remets, car il est indispensable. OUI ! JE SAIS ! IL EST CHER ! ET MON BANQUIER LE SAIT AUSSI !
ET IL EST DUR A TROUVER ! JE SAIS AUSSI !
Et il est vachement utile ! VOUS LE SAVEZ ! 
Hop, le lien, mais le rappel est utile. Na ! 
Au moment où j'écris ceci, il est entre 300 et 1150. C'est chaud, là. Je rappelle le prix d'origine : 100. Ne montez pas au dessus du double. 
On a le catalogue des tissus de Cluny, analysés avec soin, détail, et tout. C'est, hélas, un ouvrage de base... Je radote. Je radote encore, je radote toujours. Mais au final, il est vite rentabilisé. 

Dominique Cardon et al. Soieries médiévales, Maison des Sciences de l'Homme, 2000. Réunion d'articles, généralement passionnants. Ca fait partie des ouvrages à consulter régulièrement pour tel ou tel aspect. Et... Devinez... Difficilement trouvable, un peu cher (non, ça va, on en a dans les 2 chiffres, mais plus dans les 3. Ca ne dépasse pas les 200, pour l'instant. Fourchette à ce jour : 90-190)






Luce Boulnois, La Route de la soie, Dieux, guerriers et marchands, Olizane, 2001. Tiens, un bouquin fastoche à trouver. Et en plus, régulièrement réédité, disponible en multiples format, et même en anglais et en italien. Purée, un best seller... L'émotion est forte ! Ecrit par une chercheuse au CNRS. C'est un pavé dense, qui est un travail d'historienne. On jongle parfois avec la chronologie, mais cela reste très agréable à lire, limite roman. C'est une foule d'informations, depuis l'antiquité, sur tout ce qui a pu transiter sur cette route, quand, comment, pourquoi. Ca ne se concentre pas que sur les textiles. L'idéal pour recontextualiser tout ça. 


Pour les polyglottes.
Anglais
 Luca Molà, The Silk Industry of Renaissance Venice, John Hopkins University Press, 2000. Oui, j'ai remarqué... Renaissance. Mais... Il y a une foultitude d'infos majeures sur le rapport aux soies. Et aussi un état des lieux sur les soies au Moyen Âge, alors, on ne va pas pleurnicher. Ce livre est une étude excellente. Et c'est bon ! Nanmého ! Fourchette raisonnable : 45-70.

 





Anna Mathesius, Studies in Silk in Byzantium, Pindar Press, 2004. Recueil de plusieurs articles publiés par Anna Mathesius. En règle générale, si vous voyez Mathesius, vous foncez. Elle fait partie des auteurs incontournables si on veut en apprendre un peu plus sur les soieries byzantines. Je vous laisse deviner le principal défaut de ses livres : leur prix. Ces petites bêtes deviennent recherchées. C'est pas non plus de la vulgarisation. Mais on s'instruit. Et pas qu'un peu.


 



 Lisa Monnas, Merchants, Princes and Painters – Silk Fabrics in Italian and Northern Paintings 1300–1550, Yale University Press, 2008. Purée, un beau livre. Relié, avec plein de grandes photos, tout grand, beau papier... Du qui prend de la place en 3D dans la bibliothèque ! En dehors de ces considérations primordiales... C'est un excellent ouvrage mettant en avant la diffusion des soieries, et qui fait le lien entre restes archéologiques et peintures. Donc, un livre pour les amoureux des soies, les amoureux de la peinture italienne et les amoureux de la peinture flamande. Ca fait du monde. Au dessus de 50, envoyez bouler. C'est encore très trouvable.
 
E. Jane Burns, Sea of Silk: A Textile Geography of Women's Work in Medieval French Literature, University of Pennsylvania Press, 2014. Le bouquin plus cher en kindle qu'en papier. Y a des trucs qui m'échappent. Comme son titre l'indique, on aborde là la soie par le côté littérature médiévale. Le rôle de la soie comme indicateur de différents états est particulièrement bien présenté. C'est le genre d'analyse dont on a besoin pour relativiser les sources écrites. Moins de 30 euros en papier.


 

Italien
 Sulla via della seta. Antichi sentieri tra Oriente e Occidente, Codice, 2012. Catalogue d'exposition tenue à Rome... Ca c'était de l'expo ! J'avais même réussi à y aller lors des vacances de la Toussaint et de février. Vraiment bien foutu. Le catalogue aussi, évidemment. Une petite merveille. Avec des essais bien complets. Des études sur les différents produits circulant entre Orient et Occident, mais surtout, sur la soie, quand même. Là, je crois qu'il est difficile à trouver. Mais, on sait jamais. Il y a en tout cas pas mal de bouquins sur la route de la soie en italien.



Allemand 

Léonie Von Wilkens, Mittelalterliche Seidenstoffe: Seidenstoffe des 5.-14. Jahrhunderts im Berliner Kunstgewerbemuseum, Musées de Berlin, culture prussienne que j'ai pas le courage d'écrire le nom de l'éditeur que même avec toutes les lettres de 5 jeux de scrabble on pourrait pas, 1997. Autrement dit, le catalogue des soies médiévales du musée des arts déco de Berlin. Très bien fichu, les soies sont classées par origine, puis chronologiquement. Ca met en lumière les spécificités des différents lieux de production. Un bon outil. Comparé au catalogue de Cluny, les articles sont bien plus réduits. Une petite vingtaine d'euros... Pourquoi se priver ?

  Von China nach Byzanz: Frühmittelalterliche Seiden aus der Staatlichen Ermitage Sankt Petersburg, Bayerisches National Museum, Munich, Hermitage, St Petersbourg, 1996. Catalogue d'expo de soieries venant de St Pèt à Munich. Avec, youppie, les soieries du Caucase. Celles qui sont devenues hyper fashion en Occident depuis quelques années. Mais pendant plus de 1000 ans, que dalle. On peut envisager de sortir le porte-monnaie et d'investir, histoire de voir quelles soies sont passées à l'ouest et lesquelles non. Juste comme ça, en passant. Ca évitera de les voir sur du castillan. Devient rare. A partir de 50 euros... 


J'ai déjà parlé du Vedeler sur les soies vikings (voir la biblio, 2). Pour les menus objets, les broderies, on en causera une autre fois. 

La question des soies est abordée régulièrement dans un tas de catalogues, comme ceux de Speyer, de Las Huelgas, de Vienne (trucs siciliens à la base). Déjà évoqués...

Y a vraiment des infos qui circulent en veux-tu en voilà, avec des données techniques parfois très poussées. On peut contextualiser. Comme certains de ces catalogues concernent des sites précis, on peut voir ce qui est dispo à l'instant T au point A ou au point B. Voir aussi le catalogue du musée des textiles de Lyon.

 

 

 

Ne pas hésiter aussi à se plonger dans les inventaires, livres de compte, pour voir les usages (ça change selon les époques), tout en n'oubliant pas que ces textes ne précisent pas la fréquence d'utilisation, les contextes d'utilisation... Genre, on fait un inventaire maintenant, on va trouver "robe de soie toute blanche avec plein de froufrous et des dentelles", peut-on en déduire pour autant qu'on l'utilisait régulièrement pour se faire des soirées télés ? 

C'est sourcé...

Les soies, c'est un magnifique exemple du biais de confirmation en reconstitution. Ah ben voilà, on a trouvé tel fragment dans tel reliquaire, ça veut dire qu'on pouvait s'en faire des vêtements... 

Et on se fait des soirées bières-popcorn en robe de mariée avec les copines. On a une source ! Contextualisez ! Il y a des sources à analyser.

Pour connaître les usages exacts, la littérature médiévale peut aider. Mais ne pas oublier de relativiser. A ce jour on n'a pas encore de preuve matérielle de la fabrication de la soie par des fées. Alors que la littérature prétend le contraire.

 Ah ben oui, ça demande de se creuser un peu les neurones...