vendredi 26 février 2021

COSTUME MEDIEVAL

FASHION WEEK HOMMES XIe

De Toulouse à plus dans le nord

dessin de R. Di Giorgio, 4ème de couverture, représentant le comte dans son sarcophage.

Alors, on va pas chipoter, mais, en gros, le vêtement masculin, entre les VIIIe et XIe siècle, on peut pas dire que ça change énormément, surtout dans le nord. Au moins, les femmes peuvent s'amuser un peu avec les longueurs de manches. Les hommes, même pas. C'est vraiment trop injuste. 

Pour que ça bouge, faudra attendre le XIIe. La mode la plus sexy du Moyen Age (et tant pis pour le XIVe. Na !). Surtout pour les hommes. Faut pas croire !

 Y a des sources, écrites !

On connait le topo, la principale source documentaire, a priori, c'est l'image. 

Et, c'est pas que je radote... Mais... On connait le topo. Les images médiévales, c'est souvent le meilleur moyen de faire du merdiéval. C'est pas forcément avec ça qu'on va apprendre comment fonctionne le costume d'une époque. Précautions, pincettes, et tutti quanti. La copie conforme de l'enlu, c'est la ligne droite vers ce qui était considéré à l'époque comme un déguisement. Mais, comme la mode est aux masques en ce moment, après tout, ça peut être un concept à travailler. Sur un malentendu...

Et donc, comment on s'en sort ? Les sources premières les plus fiables ce sont ? Ce sont ?

 Oui ! Les traces archéos et les textes d'époque. 

On sait ce que ça donne. Les restes textiles, ça court pas les rues, et on est plus souvent dans du timbre poste que dans du couvre-lit, niveau taille. 

Les textes non plus, ça court pas les rues selon les périodes. Mais, au moins, ils mettent le doigt là où ça coince. Là où ça coince pour les coincés. Là où ça fait un bon gros scandale. On manque de textes neutres (livres de compte, inventaires) mais, pour ce qui est des dépressions nerveuses ecclésiastiques, on a de quoi ouvrir un hôpital psy !

C'est que nos pauvres membres du clergé, qui ne pensent qu'à sauver les âmes de leurs contemporains, ils sont totalement désemparés, horrifiés, ils comprennent plus rien. 

Voilà que la mode du Sud envahit le Nord ! La chocolatine menace le pain au chocolat ! Et même le sacro-saint croissant au chocolat recouvert de sucre et de paillettes chocolatées qui fait le bonheur des Souabiens-Lotharingiens (oui, les Alsaciens-Lorrains de l'époque, quoi... Gné ? Pas de chocolat à l'époque ? Mais si... Les Vikings en ont ramené d'Amérique. Prouvez-moi que c'est faux d'abord !)

Bon, la chocolatine, ça passe encore. Mais les fringues ! C'est pas possible de voir ça ! C'est que ça va mener notre belle jeunesse à la perdition ! Adieu la moralité ! C'est rien que des saletés qui sont envoyées par les étrangers. Ca vient toujours de l'étranger. C'est l'Anti-France ! 

La mode à Chocolatineland. Euh, pardon, Toulouse, vers l'An Mil

Au moins, ils ont laissé des traces archéos. On va leur reconnaître ça, à ces individus mal habillés. 

On a même de la belle découverte, de 1989, qui nous indique comment un noble s'habillait du côté de Saint Sernin vers l'An Mil. Attention, âmes sensibles s'abstenir.

Sarcophage antique de récup avec quelques squelettes dont celui du comte de Toulouse. (Photo Fanny Schwetzer, Wikimedia Commons)

Justement, en 1989, on a ouvert à Saint-Sernin (pour ceux qui connaissent pas, la grande basilique locale. Très jolie) le gros sarcophage qui traînait par là. Forcément, y avait des trucs dedans. Dont un squelette, ce qui est un peu le but du sarcophage. Ceci dit, si on y avait trouvé un thermomix, ça aurait aussi fait beaucoup parler, surtout si le sarcophage était bien scellé, quoi. Le squelette, il était grand (et pan pour ceux qui pensent que le Moyen Âge était peuplé par la famille de Gimli). On a fait des analyses. Il est mort dans sa quatrième décennie, vers l'An Mil (des fois que la date n'ait pas été subtilement sous-entendue au préalable). Et tout ça, ça vous est raconté dans un super bouquin dont je vous ai déjà parlé dans les biblio... [1] Notre bonhomme mesurait donc environ 1,85 cm[2], à une vache près. Y avait aussi du tissu. Et comme le monde est bien fait : la tenue funéraire du comte est ainsi décrite par Dominique Cardon :

            Telles deux colonnes abattues, rouge écarlate : les chausses gainant les longs membres inférieurs, du bout des pieds au haut des cuisses. Sur le reste du corps, par-dessus la chemise de fine toile de lin, une tunique assez courte couvre à peine le haut des chausses ; son tissu, de couleur claire, doux, plutôt léger, présente en relief le motif à la mode du moment, losanges brisés concentriques répétés à l'infini. Elle est fermée par une série de petits chefs-d'œuvre de dextérité textiles, de fines brides cylindriques en soie rouge. Sobre élégance. Pas de riches soieries sarrazines ; le luxe, c'est la teinture des chausses, la qualité du tissu de la tunique.[3]

Ce qui est chouette, c'est qu'on en apprend un peu sur ce qui fait un vêtement de riche. Du bon et beau détail pratique. En prime, on a les endroits d'où ça vient. C'est aussi du utile, puisque ça permet de savoir de quoi il s'agit.[4] Mais, forcément, faut pimenter l'histoire. Du coup, on fait ça avec un problème lié aux fragments de lin. Sinon, c'est pas drôle.

Tenue de pécore ? Non, le comte est bon !

Il ne se mouche pas du coude, le comte. Du coup, bonjour les chausses au kermès.[5] Le truc pas cher, quoi. Et, dans la famille "Lébelzinfos", ces chausses montent haut et sont taillées dans le biais.[6] Ce qui met très bien en valeur le galbe des guiboles comtales, quand il y avait quelque chose autour des os, et ça rend surtout tout ça plus élastique. En outre, on a un ensemble d'un seul tenant.[7] Le tout est cousu sur l'arrière à ce qu'il semble[8]. C'est de la belle laine fine. Mine de rien, c'est de la belle info. Ca pourrait dire qu'il y avait dans les parages du mouton qui avait la toison pour. Mais, ceci dit, on ne s'enflamme pas trop vite. Les importations ça existe.[9]
Reste de chausse, dessin : T. A., d'après E. Crubézy, et al., Le Comte de l'An Mil, Aquitania, supplément 8, 1996, ill. 113, p. 160, photo de M. Moliterni.
On a aussi du lin. Suite à un brainstorming conséquent, ça pourrait être de la chemise. On a deux lins. Un fin, qui est celui dont on a le moins de fragments, a... Une coulisse (non, pas un trombone !) Ca pourrait être une doublure ajoutée là où c'est sensible, et la coulisse permettait de fermer le vêtement.[10]. C'est par pour dire, mais... C'est pas le truc dont on parle le plus et auquel on pense quand on est dans le costume médiéval. Et voilà. C'est typique. Vous vous retrouvez avec quelques cm², et des années de réflexions. A quoi donc elle pouvait bien ressembler, cette chemise ? Allez trouver un truc pour comparer, tiens !

Tant qu'on y est... la tunique. C'est qu'il montrait bien les guiboles, le comte. C'est du court, pour l'époque. Shocking ! Elle descendait, au plus bas, à mi-cuisse. Tissu... losangé brisé (une valeur sûre à l'époque). En deux fibres végétales. Pardon ? Oui. Z'avez bien entendu. (Lu). Une chaîne en lin ou chanvre et une trame en coton. Les analyses n'ont pas révélé de trace de colorants qui ont survécu, mais on y trouve trace d'un mordant. Comme le rappelle Dominique Cardon, les fibres végétales prennent moins bien la couleur que la laine et la soie. Le tissu a peut-être été teint, d'une « couleur claire tirée d'une teinture assez fugace »[11]

là, c'est en laine, mais c'est toujours du losangé.
Du coup, on se retrouve, en contexte luxueux ! avec une tenue de dessus en fibres végétales. Peut-être colorée. Boudiou ! S'habiller en lin, en été, sera au XIIIè siècle conseillé par Aldébrandin de Sienne. Mais les témoignages en restent bien faibles. La pratique semble un chouïa plus fréquente dans le sud de l'Europe. Après, comme si ça suffisait pas, on a aussi du coton. Certainement pas tombé du camion ou passé par des réseaux de contrebande non plus. On est à Toulouse, pas dans une cale à Hambourg. On est près du domaine arabe. Le coton, ils connaissent, ils lui ont même donné son nom. On a affaire à des spécialistes.

Néanmoins, comme disait Cléopâtre, ce mélange de matières (lin ou chanvre et coton) est unique dans l'Europe de la fin du Xe siècle. Unique en Europe, mais pas en Orient (et ça, Cléo, elle connait, mieux que les cales à Hambourg). Le tissu pourrait venir d'un peu plus loin que l'Espagne. L'Orient, quoi. Enfin, le Moyen. Mais après, on a ce motif losangé sur les bras (façon de parler), et ça collerait pas trop avec le Moyen-Orient. Plus un truc d'Européens, ça. On coupe la poire en deux, et on peut envisager l'Espagne. Là où les techniques orientales et les goûts occidentaux font des galipettes et peuvent ainsi donner naissance à ce beau tissu.[12] On le rappelle, le sergé losange, popularisé sous le nom de « tissage diamant » était, à l'époque, un truc pour l'élite militaire, le motif évoquant celui de la maille qui maille[13]

Un truc dans le genre.. dessin : T. A., d'après E. Crubézy, et al., Le Comte de l'An Mil, Aquitania, supplément 8, 1996, dessin de R. Di Giorgio, 4ème de couverture, représentant le comte dans son sarcophage.
Et il en reste encore. On a des brides tubulaires en soie. Rouges à l'origine. Tissées aux cartes. C'est une technique un peu compliquée, et luxueuse. Et ça pouvait bien servir à resserrer la tunique. 

Vous faites comme un galon normal, mais vous passez le fil de trame sous les fils de chaîne au retour...

Quand c'est fini, vous tirez dessus...

Et ça fait un tube. Là, avec la laine, ça rend pas terrible, mais avec de la soie, c'est joli tout plein.

C'est pas pour dire mais le costume funéraire du comte de Toulouse, il est quand même un peu zarbi. On a de l'inédit là dedans. Ca change des images habituelles des vêtements de la fin caro/début capé. 

Maintenant, on se pose. On prend un thé, et on relativise.

On est dans un domaine géographique particulier. L'Espagne, c'est pas loin. Juste une petite montagne à traverser. 

Et puis, c'est pas du pécore, le loulou. C'est du riche. Très riche. 

Avec tout ça, on peut se demander si ça correspond à une mode typique de la ville. De la région. Est-ce qu'ils font les mêmes plus au Nord ?

En tout cas, ils devaient les regarder bizarre, ceux du Nord...

Mais ! C'est quoi ces histrions aux jambières indécentes ?

Voilà, voilà... On se retrouve avec une tunique courte et serrée. Ca colle pas avec la tenue caro normale. C'est du "ça arrive aux genoux", c'est blousé... C'est sobre, classe, distingué, et respectable.

         Caro mode IXe, Malles. Barbu, parce qu'à l'époque, c'est la mode. Et les cuissots couverts.Wikimedia Commons.

Or, vla-t-y pas que le roi Robert le Pieux épouse, en troisièmes noces, Constance d'Arles, en 1002-1003...

            (…) on vit à la suite de cette princesse affluer en France et en Bourgogne des hommes venus de l'Auvergne et de l'Aquitaine, pleins de légèreté et de vanité, de mœurs aussi contrefaites que leurs habits, mettant un luxe effréné dans leurs armes et dans les harnais de leurs montures, les cheveux coupés à mi-hauteur de la tête, la barbe rasée à la manière des histrions, portant des chaussures et jambières indécentes (…). De leurs exemples honteux, hélas ! Ô douleur ! Tous les Francs et les Bourguignons, jadis la plus noble des nations, s'emparèrent avidement et ils leur devinrent bientô tous semblables en infamie et en turpitude. Quiconque, religieux ou craignant Dieu, essayait de les modérer se faisait traiter de fou (...)[14]

 Ainsi le pauvre Raoul Glaber décrit-il les nouveaux venus. Mamma mia ! Mais quelle horreur ! Et c'est qu'ils sont contagieux en plus ! Ils ont contaminé les nobles du Nord. Ca mérite bien une excommunication ça ! Et elle va durer cette contamination... Le moine Guillaume de Volpiano tout aussi horrifié, raconte, tout émotionné, en 1017 dans un sermon à Saint-Bénigne de Dijon, les modes nouvelles :

            Voyez-vous quelqu'un qui ait encore l'esprit en bonne santé ? Quelle rage à fendre et à écourter les vêtements ? Quelles nuques tondues chez les hommes ? Quel honteux hérissement de la barbe sous les mâchoires ? (...)[15]

Ca ressemble quand même un peu à ce qui se porte dans les sarcophages toulousains, ça. Les « jambières indécentes »... Ces chausses taillées dans le biais, donc moulantes, qui montent haut. Ouais ouais ouais... Les vêtements courts. On repense à la tunique courte du comte... Tiens donc... Rendant forcément ces « jambières » plus visibles, et plus indécentes. Ca commence à devenir louche cette histoire... Les vêtements fendus... Le comte portait une tunique fermée par des lacets... Huuuuummmm

Y aurait peut-être dans cette nouvelle mode apportée chez les Francs et les Bourguignons un écho de la tenue du comte de Toulouse ? J'dis ça, j'dis rien. 

Du coup, notre tenue de comte, elle serait pas un tantinet typique, finalement, pour la fin du Xe siècleen Aquitaine[16]... Et dans le nord de la Loire du début du XIe siècle, chez les jeunes nobles qui suivent la mode amenée par la suite de la nouvelle reine. Sale affaire en tout cas, autour de ce macchabée.

 
La faute aux Français !

Les bizarreries finissent par atteindre l'Empire. Le croissant au chocolat est en danger ! Le Schneck est en péril ! Défendons nos valeurs locales ! Planquez le melflor (ça me fait penser qu'il faut que j'en rachète tiens). Et ce, au plus tard en 1043. 

La mode comme à le bon vieux temps vers l'An Mil, en Germanie (Ils sont en tenue d'apparat, en fait... mais monsieur l'empereur est barbu. C'est bien. (wiki)
Le digne abbé Siegfried de Gorze, près de Metz, écrit à son collègue Poppon de Stavelot, près de Liège. Mais les responsables, ceux qui amènent la honte sur l'Empire,  pointés du doigt par l'abbé ne sont plus les Aquitains et les Auvergnats... Non ! Le danger ne vient plus de la chocolatine. Mais du pain au chocolat, amené de Paris par le TGV !

            Ce qui nous angoisse par dessus tout et nous empêche de garder le silence, c'est que l'honneur du royaume -qui sous les précédents empereur avait une si noble force grâce au costume, à la tenue des armes et des chevaux – est maintenant renversé depuis que s'introduisent les habitudes honteuses et ineptes des Français en ce qui concerne la barbe tondue, les habits raccourcis et bizarres, honteux et abominables aux regards pudiques, enfin beaucoup d'autres nouveautés, trop longues à énumérer, jamais autorisées au temps des Otton et des Henri. Mais maintenant la plupart des gens n'ont qu'une faible estime pour les honorables mœurs de leur patrie ; ils recherchent d'abord le vêtement puis bientôt la perversité de l'étranger ; ils désirent ressembler en tout à ces hommes qu'ils savent pourtant être leurs ennemis et leurs ennemis déloyaux. (…) Les témoins de ces choses ne craignent plus de devenir semblables aux premiers et inventent de plus grandes folies de nouveauté. Pour toutes ces choses et d'autres semblables, ô bienheureux Père, combien devons-nous nous affliger, car avec ces changements extérieurs, ce sont les mœurs elles-mêmes qui sont changées et peu à peu, dans ce royaume qui l'emportait en honneur sur les autres s'accroissent meurtres, rapines, parjures, trahisons et tromperies diverses. C'est pourquoi nous vous demandons avec instance et nous vous supplions par la charité de Dieu que, suivant votre pouvoir et votre science, vous obteniez du roi ou de tout autre condamnation et remède pour de tels maux.[17]

Ce sont à présent les Francs, les ennemis héréditaires, les mangeurs de pain au raisin et d'escargot, mais pas de schneck, qui ont perverti leurs voisins, en l'occurrence les Germains. C'est une honte ! 

Après, on peut se demander pourquoi on fait tout un pataquès pour 3 bouts de chiffon. C'est juste un simple phénomène de mode... Mais, mine de rien, ça permet de voir le rôle du vêtement pour la société médiévale. 

C'est quand même une marque de moralité, de décence, de force, et puis le vêtement et l'apparence générale permettent de savoir à qui on a affaire. Du coup, vous changez ça, c'est autant d'attaques aux valeurs profondeuh de la sociétéeuh. Raccourcir le vêtement revient à ouvrir la porte à tous les vices. Ca ouvre les fenêtres aux écrous ! On peut même comparer ça avec l'évolution de la mode féminine au cours du XXe siècle on vit même entre les deux guerres, la police mesurer la hauteur de cuisse visible entre le bas du maillot et les genoux des baigneuses sur les plages « spectacle abominable aux regards pudiques »... Finalement, les liens entre mode et moralité ne sont pas si lointains. Alors, c'est pas la peine de critiquer les gens du XIe, on n'a pas fait mieux. Mais, au XIe siècle, on ne s'intéressait qu'à l'apparence masculine... (Les femmes étaient trop occupées à ne pas marcher sur leurs manches pour qu'on les embête)

Et on reprend du poil de la bête

(si ça c'est pas de la transition !)

Après les vêtements, les poils. Ceux des hommes, évidemment. Les gens du sud se rasent... Dans le nord seuls les comédiens paraissaient le faire. La mode passe donc, scandale ! au visage glabre. Mais c'est quoi ces manières ?

En gros, c'est comme maintenant... Les cheveux longs ne font, aujourd'hui, pas sérieux (pfff... alors que...). Si on se rase une partie de la tête c'est pas mieux. Et là, on retombe sur les préoccupations de nos pauvres moines. Se raser la nuque est une aberration. Ca ressemble à rien. Mais pas pendant tout le siècle. Ce qui choque au début du XIe siècle est accepté dans la seconde moitié. Le temps que la mode arrive... en Normandie. Et qu'est-ce qu'on voit sur la Broderie de Bayeux ? Les fameuses nuques rasées des Aquitains et Auvergnats qui choquaient tant les Francs et les Bourguignons. Les Normands de Guillaume le Conquérant ont donc fait perdurer cette habitude capillaire venue d'Aquitaine jusqu'au dernier quart du siècle. J'entends déjà les commentaires des Bretons à ce sujet, tiens. 

Ceci dit, quand on voit le nombre de Normands qui portent ça, on se dit que cette mode d'abord réservée à une élite a été par la suite adoptée par une importante partie de la noblesse et de l'armée normande. Pourquoi ? Peut-être fut-elle trouvée pratique ? En tout cas, ça ne franchit pas la Manche (celle sur laquelle on navigue, pas celle sur laquelle on marche), comme le signale Henri Platelle dans son article Le Problème du scandale. Les espions d'Harold ont eu des problèmes quand il a fallu reconnaître les soldats de Guillaume. C'est que ces bonhommes armés et rasés sont apparus, pour les espions,  comme « une armée de prêtres »[18] Ben oui, ce sont les moines qui avaient des coupes bizarres et pas de poil au menton.  Et c'est en se tenant le menton avec la main droite que les moines désignaient les laïques. Un truc qui remonte au temps où les laïques avaient la barbe[19]... Et puis, comme quoi c'était pas un truc de Saxons, Harold, sur la broderie de Bayeux, il porte une moustache. 

Alors, le moustachu, c'est Harold, les autres, c'est des Normands
Finalement, à part la pilosité des Normands, les images, elles ont décidé de la jouer muettes. Heureusement que les religieux locaux étaient là pour râler après toutes ces modes zarbis qui passaient, parce que sinon, on n'en saurait rien. Et je vous dis même pas ce qu'on aurait fait avec les bouts de tissus trouvés à Toulouse. Parce que, ben, la tenue du comte, elle a l'air de se rapprocher d'une vraie tendance. 

A la fin du siècle, on va trouver de nouvelles formes. De nouveaux patrons... Des tenues toutes serrées en haut et toutes amples en bas. Mais, on cache les genoux et les cuisses, hein. On n'est pas des sauvages... Ouf ! L'honneur est sauf.

Voilà une tenue fin XIe respectable en Germanie
Sauf, sauf si les djeunz du XIIe nous trouvent un truc bien délire pour pousser le clergé à la dépression. Encore. 

Z'avez vu, j'ai mis des notes ! Du coup, on se fait une petite chanson ?   


     


[1]Le comte de l'An Mil, 104.

[2]106. Il s'agit d'une estimation à plus ou moins 5 cm.

[3]155. Chapitre Des vêtements pour un comte, article Habillement funéraire du comte : apports à l'histoire des techniques textiles dans le bassin méditerranéen et en Europe du Sud, par D. Cardon.

[4]158.

[5]174.

[6]160. Il s'agit du premier exemple connu d'une chausse taillée dans le biais du tissu.

[7]159.

[8]Ibid.

[9]171-173.

[10]158-159. Les deux fragments de lin sont les plus énigmatiques trouvés dans le sarcophage.

[11]179.

[12]180-182.

[13]182.

[14]Henri Platelle, « Le Problème du scandale : Les nouvelles modes masculines au XIe et XIIe siècle », in Revue belge de philologie et d'histoire, tome 53 fasc. 4, 1975, 1071-1096. 1074. Citation d'après Raoul Glaber, Histoires, éd. M. Prou, Paris, 1886, 89. Tradition venant de Ed. Pognon L'an mille, 108-109.

[15]Platelle, 1075.

[16]C'est pas sûr, vu qu'on n'a pas trop de quoi comparer sur Toulouse

[17]Platelle1075-1076.

[18]Platelle, 1077.

[19]Ibid.