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mercredi 12 avril 2017

BOUQUINERIE

I MESTIERI DELLA MODA A VENEZIA
The crafts of the Venetian fashion industry.

En français : Les métiers de la mode à Venise.


Ce catalogue de 350 et quelques pages est celui d'une expo tenue à Venise en 1988. Il concerne tout ce qu'il y a entre le XIIIe et le XVIIIe siècle. Bref, c'est du lourd. On parle d'une ville riche, en contact avec l'Orient, un grand centre commercial... Autrement dit, le sujet est sérieux.
Et les différents auteurs (dont Doretta Davanzo Poli) aussi.

Le plus : la partie "essais", conséquente, est bilingue (italien et anglais).
Le moins : la partie "catalogue" est en italien.

Après, on ne va pas bouder son plaisir.
Tout y est, du filage au tailleur. Fourrures, cuirs, teintures. Les différentes matières, les accessoires (rhaaaa ! les éventails), les chaussures, les dentelles... Un plaisir pour les amateurs de costumes anciens.

Disons le, le Moyen Age est un peu le parent pauvre. On a peu de sources, et là, avec les XVIe, XVIIe, et XVIIIe qui pointent le bout de leur nez... Le pauvre Moyen Age fait pâle figure. Même si certaines infos peuvent être intéressantes. 
Pour les autres... Des fragments de tissus, des robes, des gilets, des chaussures, des gants, des bourses coquines. Je me répète un peu. Mais il y a vraiment de très belles choses.

Oh !

L'iconographie est riche, et, en plus des objets, on a les outils. La documentation à ce sujet est d'ailleurs remarquable !

Dans la catégorie "cerises sur le gâteau" (oui, au pluriel, carrément !) : les toujours passionnants échantillons de laines (couleurs, motifs ET qualités, c'est cool de savoir quelles couleurs on pouvait avoir en laine, en 1766, et de comparer avec 1751, non ?), de toiles... 
échantillons de 1789, qualités de laines


Une mine, pour les techniques, les réalisations, et la place du costume dans la société. 
Evidemment, c'est axé Venise. Vous êtes prévenus.

I Mestieri della moda a Venezia dal XIII al XVIII secolo
Exposition au Palazzo Correr, Venise, juin à septembre 1988
Edition del Cavallino, Venise, 1988

Prix : A partir de 50 euros (occasion)

HAUTEMENT RECOMMANDE

mardi 10 janvier 2017

COULEUR

ROUGE
HISTOIRE D'UNE COULEUR
Michel Pastoureau

Avertissement : j'ai volontairement choisi d'illustrer cet article avec des images ne figurant pas dans le livre. (sauf la couverture...)




Tout ceux qui s'intéressent au costume médiéval, et à l'art médiéval, connaissent évidemment les ouvrages de Michel Pastoureau. Le spécialiste de la couleur est parfois décrié, par certains qui, bien souvent, se sont contentés d'une lecture rapide. Or, si on lit bien les textes de M. Pastoureau, si l'on suit ses conférences (certaines sont disponibles en ligne), on ne peut que reconnaître la richesse de sa documentation, la pertinence de ses remarques, et la sagesse des précautions qu'il prend. J'apprécie la sincère humilité de ce grand monsieur. 

Ceci étant dit, passons maintenant à son dernier ouvrage, qui concerne LA couleur la plus à la mode au Moyen Age, la valeur sûre (normalement) pour ne pas se tromper dans son costume : le Rouge.

Skyphos à figure rouge, vers 450 av. J.-C. Hessisches Landesmuseum, Darmstadt.

Je reconnais avoir un préjugé favorable envers ce livre, en raison des autres publications ou interventions de Michel Pastoureau. En outre, étant moi même très sensible à la question des éclairages d'origine des oeuvres que l'on voit maintenant à la lumière électrique, quelqu'un qui insiste aussi sur ce fait, forcément... Je sais par avance que le propos a de très fortes chances de m'intéresser. Je sais que je vais lire l'ouvrage de quelqu'un qui se pose les bonnes questions, et qui permet au lecteur de se poser, à son tour, de bonnes questions. Il n'y a pas de bonne démarche sans bonne méthode. Il n'y a pas de bonne méthode sans bonne question. Et certaines des remarques de Pastoureau concernant la méthodologie devraient être écrites en majuscules (rouges, évidemment) devant les bureaux des chercheurs. (Ca, pour me retrouver souvent face à des problèmes de couleurs dans l'image... Je connais bien les interrogations que l'on se pose dans ces cas là... Où des fois ça marche comme ci, et des fois ça marche comme ça, et là ça marche comment ?). Tout ceci paraît éloigné de notre sujet (le rouge), mais non. La méthodologie est essentielle, primordiale, et indispensable dès que l'on se plonge dans les autres époques. Une bonne méthodologie, qui reconnaît ses limites, est la marque d'un travail sérieux. Que l'on soit d'accord ou pas avec les conclusions, d'ailleurs.
Tiens, petite colle... Qu'est-ce qu'une couleur, déjà ? On voit dans ce livre que ce n'est pas si simple. 

Et maintenant...
Négativons-un peu. (Oui, je néologise)
Il n'y a pas d'index (ce qui me rappelle la critique de mon livre, tiens. Comme quoi, c'est vrai que c'est utile). Je préfère nettement les notes en bas de page aux notes en fin de volume. (Nous sommes dans les remarques négatives capitales, tout le monde en conviendra). 


Vittore Carpaccio, détail du Miracle de la Croix, 1494, Galerie de l'Académie, Venise. LE peintre du rouge... Un grand nombre de nuances sur ce simple détail... Son absence (parmi les illustrations) est le principal défaut du livre. (Oui, parce que j'adore Carpaccio. Voilà, c'est dit !)
Mais, surtout... Voilà... Un livre sur le rouge. Richement illustré... Sans... Le maître absolu du rouge. Pas un petit Carpaccio en photo... Mais ! Qu'est-ce à dire ? C'est vrai, l'admiratrice du peintre vénitien que je suis est un peu déçue... Rassurez-vous, son nom apparaît dans le texte. Ouf ! Le contraire eut été dommage. (Comme Rubens. Mais lui, il a son tableau.) Mais, après tout, ce n'est pas à moi de choisir les illustrations.

Entrons dans le (rouge) vif du sujet.

Pour le reste. Iconographie riche, donc. Ce qui est toujours appréciable. Les oeuvres choisies ne sont pas forcément les plus connues, mais cela est enrichissant, car la sélection est réussie (à part le grand absent). Si Michel Pastoureau s'intéresse surtout à une période allant de l'Antiquité romaine au XVIIIe siècle, il n'hésite pas à déborder. Et, là encore, c'est quelque chose que j'apprécie grandement. Connaître, au moins un minimum l'avant et l'après, est, à mon sens, l'une des bases d'une recherche sérieuse.

Lucas Van Leyden, Les Joueurs d'Echec, vers 1510 ?, Gemälde Galerie, Berlin. Le changement de statut du rouge se voit sur ce tableau. Si l'échiquier continue à être blanc et rouge, les pièces rouges ont déjà été remplacées par des noires, comme sur nos échiquiers actuels. (photo pinterest)

Le découpage du livre est intéressant. On trouve quatre grandes parties, faisant chacune une bonne quarantaine de pages. Les choix des grandes parties regroupant les grandes périodes historiques sont signifiés par des titres éloquents, évoquant le rôle de la couleur durant l'époque évoquée.  
Il serait tentant d'aborder la critique de ce livre en détaillant chacune de ces quatre parties. Mais je pense que cela ôterait une partie du plaisir de la lecture. 

On apprend tellement de choses dans Rouge. Sur toutes les époques, même celles que l'on connaît déjà bien. Ces découvertes constantes nous rappellent qu'il est impossible de tout savoir. Et les surprises sont nombreuses. Dès la Préhistoire.

Arrestation du Christ, vers 1260, Musée de l'Oeuvre Notre Dame, Strasbourg. Judas, représentant du rouge négatif...
 Michel Pastoureau aborde tous les aspects du rouge dans la civilisation occidentale (en incluant l'Egypte et le Proche Orient antiques). Ses histoires, comment il est perçu selon les époques. Comment on l'obtient, pour teindre ou pour peindre. Ce qu'on en fait. Rouge féminin. Rouge viril. Rose. Les contes. Quand le porter. Son pouvoir sémantique. Le rouge, symbole du pouvoir, mais aussi symbole du parvenu. Le drapeau rouge. Du vêtement au maquillage, en passant par la polychromie, l'héraldique, les cheveux, les jeux, les talons rouges... Quand il est à la mode. Quand il ne l'est plus. Quand il devient dangereux. Ses symboliques. Quand il est négatif, quand il est positif. Et pourquoi. Et comment cela se manifeste. Aristote, Pline, Newton, Goethe. Etc. 

La lecture est agréable. Les anecdotes sont toujours pertinentes. Les faits sont documentés. On se surprend à s'interroger sur ce qu'on croyait savoir en lisant tel ou tel passage. Le rouge est aussi régulièrement mis en rapport avec les autres couleurs. 
Les notes de fin de volume (grrr) apportent les renvois bibliographiques indispensables, ainsi que de petites précisions, remarques, apartés qu'on trouve finalement nécessaires.

Anton Van Dyck, Jupiter et Antiope, vers 1620. Musée des Beaux Arts, Gand. Le rouge des peintres du XVIIe.

C'est un livre abordable par tous, et d'une grande richesse. Qui plus est, très utile. 

L'amateur d'art sera ravi. Surtout l'amateur d'art antique ou médiéval. Les passionnés de costume seront attirés par les parties sur les teintures, et par les implications de certains passages, par la place du vêtement rouge dans la société. On en apprend beaucoup sur la vie quotidienne, sur la beauté, sur les sciences... 

Alphonse Allais. Tout est dans le titre. J'adore. 
Bref un excellent livre, que j'ai dévoré. Je n'ai pas été déçue (car rien n'est pire que de découvrir que le livre qu'on attendait n'était pas à la hauteur). Peut-être le meilleur des ouvrages de Michel Pastoureau sur les couleurs, à mon avis. (Et pourtant, je suis, comme la majorité des gens, plus attirée par le bleu...)

ROUGE
HISTOIRE D'UNE COULEUR
Michel Pastoureau
Seuil, Paris, 2016
39 €

A LIRE ABSOLUMENT. 



samedi 26 novembre 2016

L'Alchimie des Couleurs

Exposition au Palazzo Mocenigo de Venise

Un cliché qui fait cliché. C'est cliché.
Un petit passage par Venise, pour voir une jolie expo (et pas que ça... Venise, on n'a pas le temps de s'ennuyer)
Sur les lieux.
Le Palazzo Mocenigo est un très beau palais vénitien (ça ressemble à un pléonasme, ce que j'écris...) auquel on accède par de petites ruelles. 
 
Sur le chemin...



Il y a une option plus classe : arriver par le Canale di San Stae. Mais je n'ai pas ma gondole personnelle. 
La collection permanente devrait en ravir plus d'un... Surtout dans un tel décor !


Beaucoup de costumes vénitiens du XVIIIe (dont une impressionnante collection de gilets) 
Quelques uns des gilets. Il y en a partout !

et quelques salles dédiées au parfum et à l'hygiène. 
Le défaut : manque d'explications, de dates, pour tous ces magnifiques contenants.
 Avec, ce qui fait toujours plaisir, diffusion d'un petit film documentaire sur les parfums en italien, anglais ET français ! Les fragrances sont présentées, on peut sentir. C'est joliment fait, et on apprend plein de choses.
Exemple de cartel... Pour les amateurs de parfums citronnés.



La raison de ma visite au Palazzo Mocenigo était l'exposition L'Alchimie des Couleurs Qui s'est tenue du 11 décembre 2015 au 10 avril 2016... Pour être prolongée jusqu'en septembre. Mais, maintenant, c'est trop tard. 
Réséda et deux mordants différents. Ca change tout.
 
Une petite expo très intéressante et complète pour ceux qui s'intéressent aux textiles. Présentation des matières, fibres, teintures, mordants. 

Noix de galle

Alun (mordant)

sel de chrome (mordant)


On peut toucher la soie.
 
Cochenille et...
... cochenille.

Ce que j'y ai préféré... Les comparaisons entre les différentes matières. En effet, 4 tissus différents (laine, soie, coton, lin) étaient teints dans les mêmes conditions, et présentés les uns sur les autres. Quelques exemples :


Campêche. Laine au dessus, puis soie, coton, lin.
Indigo
pastel

Evidemment, on constate au premier coup d'oeil que les tissus ne réagissent pas de la même manière. 
Le genre de démonstration passionnante pour ceux qui s'intéressent aux procédés naturels, même de loin.  Et, vu la manière dont les choses étaient présentées, c'était particulièrement didactique. 
Réséda + indigo

Cochenille

Laccifer lacca (sorte de cochenille asiatique)

Garance

Roucou

Curcuma

Réséda

Le seul défaut de l'exposition : catalogue épuisé quand j'étais sur place.