mercredi 29 mars 2017

POUILLES MEDIEVALES

RUVO : UNE JOLIE PETITE CATHEDRALE
C'est petit, c'est mignon, c'est intéressant.




Un petit tour à l'intérieur des terres, avec Ruvo di Puglia, quelque part entre Castel del Monte et Bari. Etape bien sympathique, bien moins touristique que les autres villes environnantes, mais qui vaut qu'on s'y arrête. 
Elle ravira les amateurs d'architecture, de sculpture, et même de peinture...
Et, contrairement à Bisceglie, la baroquisation lui a laissé sa rosace et des chapiteaux, dont certains sont très mystérieux (et elle a été débaroquisée avant, donc, attention, y a du néo !)


Cathédrale construite lors des XIIe et XIIIe siècle. Elle fait figure de jeunette. 
Elle apparaît fort pentue. Ce qui se ressent à l'intérieur... Mais, on en reparlera. 


Evidemment, l'église est construite sur une ancienne église (avant le XIè siècle), dont on peut voir les fouilles, mais... Soit je suis arrivée à la mauvaise heure, soit à la mauvaise saison, soit les deux... Ceci dit, il paraît que c'est très intéressant. Et il y a de l'antique aussi. Premiers temps de la chrétienté. Cette petite église a un sacré passé.   

Sa reconstruction, à la fin du XIIe siècle, ferait suite à un tremblement de terre... 

Extérieur, la façade occidentale.
 
Trois portes... Des fenêtres, en plus de la rosace. Des têtes d'animaux, des têtes humaines... 

Stupor Mundi or not Stupor Mundi ?
Et un mystérieux personnage assis, avec un livre, dont on se plait à dire qu'il s'agit de Frédéric II. Bon... On n'en sait rien, mais c'est l'interprétation qu'on préfère dire, parce que sa cote de popularité est quand même très haute dans la région (et c'est mérité... Je me demande si on peut repartir des Pouilles sans être fan de Frédéric II... A moins de souffrir d'une allergie au médiéval, je crois que c'est impossible). Se méfier quand même de cette identification séduisante. La tradition raconte, en tout cas, que si c'est sa statue, c'est parce qu'il aurait financé en partie les travaux de l'édifice... 


L'allure générale de la façade est comparable à celle de Bari, en plus étroite, et plus pentue (et avec une rosace plus délicate), et moins de baroque, et des grandes statues en hauteur. Mais je vous assure qu'elles se ressemblent beaucoup ! 

 Les portes sont toujours romanes, ce qui veut dire qu'on se délecte de leurs sculptures. 

Qu'on soit dans le motif décoratif, dans l'humain, dans l'animal, dans la créature fantastique, c'est superbe. 
Les monstres dévorant des pécheurs ou soutenus par des humains sont présents, malgré l'érosion. 


Les anges et saints ne sont pas ce qu'il y a de plus remarquable, à mon avis, mais cela reste très beau. 

C'est vraiment le décor végétal et animalier qui a le plus retenu mon attention. 

Quelques sculptures de la façade (le Christ, et l'ange à l'angle) sont un chouia plus récentes, voire beaucoup plus récentes (genre, la décoration de la fenêtre géminée... Par exemple)
Faut trier, y a du neuf...
Mais il convient de signaler que les nouveaux motifs s'intègrent parfaitement à l'ensemble.

Extérieur, la façade sud.

Etat de 1895, archives du Brooklyn Museum.

Où l'on voit qu'il y a comme un problème.
Et pour cause.
Les projets pour la cathédrale ont pas mal changé durant le Moyen Age. On a par exemple envisagé de placer, au dessus des bas-côtés, des tribunes. Donc, on a l'espace, on a les fenêtres... Mais on a surtout du vide... Ceci explique d'ailleurs la forte pente de la façade ouest, qu'on a pu faire d'une seule ligne (je sais pas si je suis claire là...) puisqu'il n'y avait pas de décrochage à cause des tribunes... 
On se retrouve donc avec de très grandes et belles fenêtres. 

 En prime, au dessus, on trouve des fenêtres plus petites, bien décorées. Et au dessus d'elles, plein de petits personnages, petites têtes, animales, démoniaques, cornues, ailées... Et comme si ça ne suffisait pas, une belle frise végétale sous la toiture. 

On en prend plein les mirettes.
Décidément, ça valait la petite halte. (Ah, et en plus, il n'y a pas de problème de parking... Gratuit de surcroît. Et tout près du centre historique.)
Un bout du campanile


L'intérieur
Etat actuel
 
Avant débaroquisation, 1895, archives du Brooklyn Museum

La verticalité est nette. On est en pleine transition entre roman et gothique. L'abandon des tribunes a une conséquence : 
Un angle de la passerelle...

une passerelle court le long de la nef, en s'appuyant sur des consoles dont certaines sont de petits chefs-d'oeuvre. 
 On retrouve les petits détails coquins, voire paillards qu'on aime dans l'art roman. 
C'est du joli !!!

Des animaux, des humains, des végétaux... 

La routine. Mais quelle routine ! 

Arrivée en fin d'après-midi, j'ai pu profiter du spectacle offert par la rosace. 
 Les jeux de lumière sont superbes. Par sa structure même, la rosace semble être un apport nordique, plus tardif, perdu dans le sud de l'Italie. 


Quelques restes de fresques sont visibles ça et là. 
Un peu de XVe

Ainsi que quelques plaques funéraires, exposées le long des murs.
Un peu de XIVe (en revanche, je pense que la prise est un peu plus récente...)

Le ciboire est moderne, mais est basé sur les modèles anciens. Il a trouvé sa place dans l'église avec bonheur.
Un peu de XXe

Il semblerait que d'autres sculptures soient elles aussi de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle. On a déjà le cas de la fenêtre de façade, du ciboire... Qu'en est-il du reste ? 

L'ancien plafond, 1895, photo du Brooklyn Museum (inversée)

Bref, les photos de la fin du XIXe sont très utiles. Mais hélas incomplètes. Il va falloir enquêter un peu plus pour certains éléments... 
Entrée, 1895, archives du Brooklyn Museum.

 Et évidemment, comme on est dans du roman... On peut profiter des chapiteaux !

Encore une fois, splendides...

Mais les chapiteaux romans (ou néo-romans) et moi... C'est une vieille histoire d'amour. Ne pas compter sur mon impartialité dès qu'il y a quelque chose qui ressemble à de la split-representation.
Tiens, de la split-representation
Y a même un petit chat !!!
Les Pouilles, le paradis des médiévistes, je vous dis !!!

mardi 28 mars 2017

COLLOQUE

LE CHANCEL DE SAINT-PIERRE-AUX-NONNAINS
Metz, du 27 au 29 avril.


Je ne pourrais malheureusement y passer que le samedi, et ça m'ennuie (C'est la faute aux 6e...)
Il s'agit du chancel de l'église de Saint-Pierre-aux-Nonnains, de Metz, datant de la période mérovingienne, et conservé aux très beaux musées de la Cour d'Or, à Metz, évidemment.

Cela se tiendra dans l'église (le jeudi) et à l'Arsenal (vendredi et samedi).

Le colloque a lieu à l'occasion de la nouvelle scénographie du chancel, et devrait permettre d'amener de nouveaux éléments stylistiques et de datation. Sans parler de toutes les infos sur l'architecture mérovingienne et carolingienne. Ca donne envie !

Et en prime, il y aura de la musique... Et de qualité ! (Ne parlons même pas des interventions, qui sont très prometteuses !)

Le programme en détail :





dimanche 26 mars 2017

POUILLES MEDIEVALES

DEBAROQUISATION EN COURS !


Bisceglie, sa cathé...

Les Pouilles, c'est très beau. Et j'ai pris plein de photos. Il y a là bas une concentration de cathédrales qui frise l'indécence. Pas le temps de tout voir... Y en a partout !!!
Surtout des XIIe.

Enfin...

Si, elles sont XIIe. Mais...

Un peu modifiées par la suite. Si peu.

On va faire un petit tour à Bisceglie, une petite ville portuaire au nord de Bari.
Bisceglie, son port
Déjà, précaution utile : téléphoner avant. Les heures d'ouverture sont... Dépendent, hors saison, du charmant vieux monsieur qui fait la visite. Car c'est une cathédrale fermée la plupart du temps. Travaux. Gros travaux.
Donc, on se prépare à enjamber des câbles (et pas que, pardon monsieur... Ou madame), à entendre des "attention la tête", à raser les murs... Et on y va !
Entrée principale actuelle...

Comme la quasi totalité des cathédrales, elle a subi de multiples transformations au cours du temps. Entre autre, la baroquisation. Cette pratique qui consiste à exploser des rosaces, raboter des chapiteaux romans, supprimer des fresques... Tout ça pour mettre des dorures, de la chantilly rose et de la barbe-à-papa bleue sur du marbre vert avec aussi plein de boiserie à la place. 
A priori, je n'ai rien contre l'architecture baroque (si, si)... On peut même cohabiter relativement pacifiquement. 
De loin.
De très loin.

Mais pas quand cela se fait au dépend de l'architecture et de la sculpture médiévale. Là, j'apprécie moyennement pas du tout.

Evidemment, la jolie cathédrale de Bisceglie n'a pas échappé à la règle. Et ça a laissé des traces : adieu la rosace... Bonjour les fenêtres aux formes bizarres. Une bonne partie de la magie médiévale est donc à oublier. 
On y reviendra...

Un peu d'histoire. 
La cathédrale est consacrée à saint Pierre et contient les reliques des saints Serge, Pantaléone et Maur. 
Les reliques dans la crypte

Sa construction fut décidée, d'après la tradition, par le comte Pierre le Normand en 1073. Et comme les cathédrales ne se font pas en un jour, la consécration eut lieu le 1er mai 1295.  Et au cours des siècles, chacun a ajouté sa petite touche...
Sculpture XIIe

Jusqu'en 1965. Là, tout d'un coup, en haut lieu, il fut décidé de lui rendre, autant que possible, son aspect roman. Et le curé n'a rien eu à dire...



La Mission. Impossible, évidemment... 

On trouve un peu de tout... Un Crucifix XVIIe, un autel XVIIIe (assez joli), 
 
 des stalles XVIIe, qui ont été offertes par Joseph Bonaparte (le frère de) en 1807, en remplacement des précédentes. Elles viennent d'un couvent voisin, dissous par les Français. 


La crypte est continuée par les fosses communes qui ont suivi les nouvelles lois imposées par les Français, concernant les cimetières... 

Qui devaient à présent être hors des villes. Et aussi les chapelles funéraires privées des notables... 
Visite assez marrante... On enjambe les tombes, ouvertes. Un peu lugubre quand même. Mais on peut voir quelques jolis pavements, en plus des os. 


Mais, le plus intéressant, ce sont les matronei, 
Matroneo, et une fenêtre baroque...

tribunes réservées aux femmes, au dessus des nefs latérales. 


De là, on peut voir ce qu'il reste des fresques XVe siècles. 
Restes de fresques XVe
Et des chapiteaux romans. 





Parce que ceux des nefs... Comment dire ? 
Snif...

Ils ont un peu été totalement rabotés pour être mieux recouverts de marbres baroques, donc, il n'en reste rien depuis la débaroquisation. Enfin, si... Mais ça fait mal... 

Ah oui... La couverture... On voit des poutres. 
 
Mais il y a quelques décennies, il y avait encore des coupoles. Et pas de la coupole médiévale. Les coupoles ont été supprimées et remplacées par une couverture plus archaïsante.

Pas mal de jolies petites choses dans cette petite cathédrale. Mais, le mieux, c'est l'extérieur. 

Un beau bas-relief rappelant discrètement que les moines de Pulsano doivent un tribut à la cathédrale, 

une porte latérale du XVe siècle avec de jolies sculptures, encadrée de colonnes romaines de récup... 

Et la façade principale. 

Avec de très belles sculptures romanes. 





Et les traces du massacre baroque avec les nouvelles fenêtres. 






Quand on pense à ce que donne une jolie rosace et qu'on voit ce qu'il y a à la place... Les instances supérieures n'ont pas décidé de rendre une rosace à l'ensemble. Dommage...


La fenêtre absidiale
Ne pas oublier de voir aussi l'extérieur de la fenêtre absidiale, qui comporte d'autres statues intéressantes. 
Saute-mouton...
 
Et plein de petits détails partout dans la vieille ville...


Bref, Bisceglie n'est peut-être pas la première destination à laquelle on pense lorsqu'on envisage un séjour dans les Pouilles... Mais, ça vaut la peine d'y passer ! 

Peu de touristes, et c'est bien joli, en plus. 
(Et il y a même un bon glacier !)