DESPERATE ROMANTICS
Millais, Ophelia, 1852, Tate Gallery, Londres. Détail. (Photo TA)
C'est Lizzie qu'on assassine.
Millais, étude pour Ophelia, 1852, Birmingham City Museum and Art Gallery |
Rossetti, détail de la deuxième version de Beata Beatrix, 1873, Birmingham City Museum and Art Gallery (Photo TA) |
Une série qui date un peu (2009), BBC... Qui cause des... Préraphaélites ! Elle est pas belle la vie ?
Une bande de jeunes peintres qui cherchent le modèle parfait. Et la trouvent... Et se l'arrachent. Ou pas.
Bref, l'histoire commence par la découverte de Liz Siddal (Amy Manson), qui s'esquintait les doigts à faire des chapeaux qu'elle ne pouvait pas se payer. Elle va d'abord poser pour Hunt, puis Rossetti, et Millais.
Lizzie Siddal (Photo BBC) |
Rossetti (Aidan Turner), charmeur, roublard, baratineur, égocentrique, limite opportuniste (euphémisme)... Rossetti, quoi. Loin d'être parfait, mais fascinant, et attirant. Qui passe de plus en plus pour le raté de la bande, comparé à Millais, Hunt et Liz Siddall. Millais, adorable, le petit jeune. Innocent, naïf, gentil, timide... Et Hunt. Je ne suis pas fan du bonhomme, mais il devient presque sympa, parfois, tant qu'il ne part pas dans son obsession religieuse/sauveur de filles perdues. Ruskin, montré en coincé (pas faux) tendance malsain, et Effie, un peu trop au courant de certaines choses qu'elle va découvrir avec Millais.
Lucky (photo BBC) |
Lizzie... séduisante par sa répartie, et qui ne se laisse pas impressionner par le baratin de Rossetti. Au début. Après, elle se laisse avoir, et, évidemment, ce n'est pas un happy end.
Unlucky (photo BBC) |
Annie Miller. Vulgaire, pas très futée, transformée en prostituée. Bref, "légère" exagération de ce qu'elle était (même si elle a vraiment eu besoin de pas mal de leçons pour épouser un monsieur de la Haute).
Rossetti, Helène de Troie, 1863, Kunsthalle, Hambourg, modèle : Annie Miller (photo ©Bildarchiv Preussischer Kulturbesitz, Berlin, 2003, Hamburger Kunsthalle) |
Justement. Parlons respect de l'histoire des préraphaélites. Exit Deverell, le peintre qui découvrit Lizzie et la peignit en premier, fut certainement le premier à l'aimer et mourut prématurément. Il est remplacé par un jeune journaliste, personnage fictif, ami du trio.
Walter Deverell, dessin pour La Nuit des Rois. Première apparition de Lizzie, à gauche. vers 1850, Tate Gallery, Londres |
Euh. Juste en passant. Les préraphaélites étaient sept dans leur confraternité. Où sont les quatre autres ? Même William Michael Rossetti, le frère de, a disparu du paysage.
William Michael Rossetti, le petit frère de l'autre. Sacrifié sur l'autel du "on peut pas mettre tout le monde ça va être trop compliqué" |
Etude pour Ecce Ancilla Domini. Christina, pas Lizzie. (Tate Gallery, Londres) |
Christina et Frances Rossetti, née Polidori. Aux abonnés absents. (Rossetti, National Portrait Gallery, Londres) |
Ford Madox Brown n'est pas là non plus, malgré l'influence qu'il eut sur ses jeunes confrères. Ceci dit, on peut comprendre le désir de mettre un peu moins de personnages.
Rossetti n'était certainement pas un ange, mais, le trait est peut-être un peu noirci.
Rossetti, autoportrait en 1847 (National Portrait Gallery, Londres) |
Autre problème : la chronologie des oeuvres. Ca se mélange pas mal. Il est même très choquant de voir Jane, future madame Morris, sur un tableau avant que Rossetti ne rencontre William Morris et Burne-Jones...
Jane Morris, née Burden. |
Rossetti, Guenièvre, étude pour la peinture de l'Oxford Union. (Ashmolean Museum, Oxford, photo TA) A comparer avec le truc très moche qu'on voit dans la série. |
Millais, Bubbles, 1886. Lady Lever Art Gallery, Port Sunlight. Rossetti étant mort en 1882, il aurait eu du mal à en dire "c'est de la m...." |
Et... disons que ça ne manque pas de sexe. Annie Miller est un bon prétexte. Mais pas qu'elle... Un peu trop, quoi... L'histoire entre Millais et Effie...
Millais, le vrai |
Ruskin, vu par Rossetti (Ashmolean Museum, Oxford. Photo : Ashmolean Museum) |
On se demande comment Millais a pu faire son portrait sur place !
La fin est évidemment dramatique, et comporte peut-être l'incohérence la plus énorme... L'élément le plus tragique de l'histoire de Lizzie, les poèmes laissés par Rossetti, est totalement aseptisé, et transformé. Sans parler de la distorsion temporelle... Les 7 ans qui se transforment en quelques jours.
Plus positif... De beaux moments, comme la création d'Ophelia.
Millais, Ophelia, 1852, Tate Gallery, Londres. |
Millais, Ophelia, 1852, Tate Gallery, Londres. Détail. (Photo TA) |
Amy Manson en Liz en Ophélie (Photo BBC) |
Et aussi de Bocca Baciata, avec Fanny.
Bocca Baciata, 1859, Mueum of Fine Arts, Boston. |
Millais et Effie sont mignons tous les deux. Et rafraichissants. Et c'est agréable, comparé au drame Lizzie, d'avoir une histoire avec happy end.
Millais et Effie (Zoe Tapper) (photo BBC) |
Liz Siddal version fiction est presque aussi fascinante que l'historique.
Liz Siddal, autoportrait |
C'est vraiment elle l'héroïne de la série. En tant que modèle, en tant qu'artiste et en tant que femme tombée sur un Pygmalion trop beau pour être vrai.
Liz Siddal, Before the Battle, Tate Gallery, Londres. |
Le personnage de Fanny Cornforth apparaît immédiatement comme très sympathique, et on devine que sa relation avec Rossetti va être longue, chaotique, sans relever de la passion, mais solide.
Fanny Cornforth, par Rossetti, Tate Gallery, Londres (Photo TA) |
Seulement... Fanny passe très vite.Regrettable car, au final, c'est l'histoire d'amour la plus "saine" de Rossetti.
Rossetti, détail de Fair Rosamund, avec Fanny Cornforth. 1861, National Gallery of Wales, Cardiff (Photo TA) |
La mise en scène est parfois inventive. Le choix de la musique, un peu rock'n'roll, colle bien aux personnages. Rossetti aurait certainement fait une sacrée rock star, avec sa cour. Du coup, la musique ne choque pas dans cette atmosphère victorienne.
Millais, The Order of Release, 1853, Tate Gallery, Londres. Avec Effie en vedette. (Photo T. A.) |
Le feuilleton est aussi une bonne introduction aux préraphaélites, qui étaient vraiment de sacrés personnages. Le scénario, même très romancé, reste assez intéressant. Mais... C'est nettement en dessous de la vraie histoire. Le comble.
L'histoire se situant durant la période victorienne, il y a évidemment du costume. J'aime bien les couleurs vives des costumes de Rossetti et Millais, qui traduisent assez l'excentricité et la jeunesse des personnages. Hunt est plus sobre, et plus sombre. Ce qui contraste plutôt avec sa peinture très lumineuse (même si je ne suis pas fan de son oeuvre, il faut quand même bien reconnaître ça !). Ceci dit, on sent l'impact de son séjour en Orient sur son apparence.
W. B. Richmond : Hunt, 1900, National Portrait Gallery (oui, il a enterré tout le monde...) |
Annie Miller (Jenny Jacques) et Hunt, de retour de Terre Sainte (photo BBC) |
La garde-robe de Liz l'artiste brille par son originalité. Un côté bohème qui lui va bien. Sinon... D'après ce que j'avais lu, la tenue de deuil était totalement noire. Du coup, le petit bout de col blanc de la mère de Lizzie avant l'enterrement, ça me paraît très bizarre (l'introduction d'un peu de blanc se faisait au bout d'un an, en théorie). Mais, après tout, on sait qu'il y a eu des exceptions.
Et, bien sûr, mes duettistes favoris. Ned et Topsy.
Ned et Topsy, les vrais |
Edward Burne-Jones et William Morris. Le fan club de Rossetti qui suit son idole, et a l'air un peu ridicule (euphémisme). Evidemment, Rossetti n'a pas idée, en voyant le duo, de l'importance qu'ils vont avoir. Et on est mis à la place de Gabriel. Ce qui me choque quand même, c'est la boulette casting. La différence de taille entre les deux n'est absolument pas prise en compte. Quitte à jouer sur le comique de Ned et Topsy, pourquoi ne pas avoir respecté leurs physiques jusqu'au bout ? Morris est vraiment trop grand (ou Ned trop petit...).
Le caractère de Morris est assez bien rendu quand même. Leur rôle de sauveurs des préraphaélites est amené de manière pas très conforme à l'histoire. Carrément inventé, même. Mais, au final, l'idée est là...
La série tourne autour de la relation de Gabriel et Lizzie. Une histoire qui a largement de quoi inspirer une série, c'est certain. Les raccourcis scénaristiques, les libertés prises peuvent passer au début. Mais à partir de l'arrivée de Ned et Topsy, cela devient tellement du gros n'importe quoi quand on est habitué à l'histoire des préraphaélites que c'est un soufflé qui retombe. La mort de Lizzie est émouvante, très émouvante. Mais... Rossetti qui peint Beata Beatrix en une nuit... Hum...
Beata Beatrix, 1864-1870, Tate Gallery, Londres. |
En prime, les "copies" des tableaux de Rossetti sont carrément ratées. Tout ce qui fait le charme de son oeuvre a disparu. Et la plus ratée est justement Beata Beatrix. Dommage. Le pire reste quand même la version bien plus soft de l'histoire des poèmes et cette espèce de nouvelle légende à partir de ce qui est déjà une légende (je vais pas spollier la fin de la série. Mais en tout cas, ça ne s'est absolument pas passé comme ça ! C'est le détail de la bio de Lizzie qui fait de son histoire l'une des plus tristes que je connaisse... et... patatra... C'est carrément saccagé par le scénario).
Touche pas à ma Lizzie ! |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire