vendredi 14 septembre 2018

METHODOLOGIE 4.5

LES ENLUMINURES
Cinquième partie : Un petit lexique improvisé pour s'y retrouver

Ceci n'est pas une iconographie ! Une enluminure, oui, une pleine page, oui...
Süsskind von Trimberg, Codex Manesse, 1310-1340, Bibliothèque de l'Université d'Heidelberg, Cod. Pal. Germ. 848, f.355
On peut avoir du mal à s'y retrouver avec le vocabulaire utilisé pour les images médiévales et en particulier les enluminures. Or, pour bien travailler avec elles, il est nécessaire d'avoir quelques notions en tête.

Icono ça suffit !!!
Utiliser le terme "iconographie" ou son abréviation "icono" pour désigner les enluminures... Euh... Comment dire ?



Est-ce que comme ça, c'est un peu plus clair ?
Cékoidon l'iconographie ?
Un mot qu'on emploie rarement au pluriel, déjà.
Pour simplifier, c'est un thème dans les images. Par exemple : l'iconographie des tabourets dans la peinture flamande du XVe siècle. Ou l'iconographie de Moïse dans la sculpture italienne du XIVe. Ca ne concerne pas que la peinture, mais toutes les images !
En plus de ça, c'est aussi l'étude de ces thèmes, et la façon dont ils sont représentés et utilisés, et leur sens. Et c'est rigolo !
Limiter l'iconographie aux images peintes, c'est une mauvaise idée, puisque cela concerne tous les arts de l'image.
Iconographie n'est pas un synonyme d'enluminure, d'image, de peinture, etc. C'est leur étude !
Et ça vaut pour toutes les époques et toutes les cultures. Ce n'est pas spécifique à l'art médiéval.
(On peut ajouter un autre sens : l'ensemble des images d'une publication)

Agnolo Bronzino, Triomphe de Vénus ou Vénus et Cupidon, 1540-45, Londres, National Gallery. Faut s'accrocher pour l'explication ! (photo wikipedia)
Iconologie. C'est comme l'iconographie, mais on est limite dans l'ésotérisme. Interprétation qui va plus dans l'abstrait. C'est plus valable pour des oeuvres à partir du XVIe siècle. Je vous conseille, par exemple, l'interprétation du Vénus et Cupidon du Bronzino par Panofsky dans son bouquin "Essais d'iconologie". C'est beaucoup plus perché que l'iconographie.

Ceci n'est pas une iconographie ! Une icône, oui... Andreï Roublev, les Trois Anges, 1411-1415, Moscou, Galerie Tretiakov (photo Wikipedia)

Icône. En grec, ça veut dire image. Mais par convention, en histoire de l'art, on réserve le terme d'icônes aux images religieuses byzantines et orthodoxes en général (Je crois que ça ne concerne que les peintures). Attention, ce sont des images qui répondent à un cahier des charges très strict, et c'est ainsi méga conventionnel.

Les bouquins
Il y a plein de types de livres.


On a déjà causé des codices (au singulier : codex) qui sont les livres reliés qu'on connait.
Je peux aussi vous présenter les incunables : ce sont les premiers livres imprimés. Genre Bible de Gutenberg, Hypnerotomachia Poliphili, Dante illustré par Botticelli... Fin XVe, début XVIe, en gros.

Sinon, il est important de rappeler que pas mal de ces livres ont un contenu religieux, ce qu'il ne faut pas oublier quand on les utilise comme sources (car, conventions, etc.). En vrac :
Bible, évangéliaire, psautier, livre d'heure, épitres, apocryphes, Légende Dorée, Miroir du Salut, Missel, Actes des apôtres, hagiographies... Liste non exhaustive. Bref, prudence avec ce genre de livres.
On y trouve souvent des marqueurs, des images qui ont un lourd passé. Et c'est mélangé avec des motifs plus modernes. Il faut suivre... Les calendriers, travaux des mois et signes astrologiques sont plutôt pénibles.

Les ouvrages antiques, ou ceux qui utilisent pas mal les allégories (Psychomachia... Ou encore, pour les allégories : le Roman de la Rose), les récits légendaires, les récits de héros antiques (Roman d'Alexandre, Roman d'Eneas) : à considérer avec prudence (et Prudence), car possibilité forte de tenues de fantaisie et d'archaïsme et d'exotisme (les trois ensemble, c'est encore mieux !)

Dans le codex
Plusieurs types d'illustrations.

Enluminure et miniature. Késako ?
Une enluminure décore un texte, l'illumine. La miniature, c'est pareil en plus petit. Mais pas vraiment.
Le terme miniature vient de minium. Il s'agit d'une matière, fournissant un rouge qui pouvait être utilisé pour les initiales, les rubriques (mot qui vient aussi du rouge). Le terme a été ensuite confondu avec minuscule. Mais, à la base, ça n'a absolument rien à voir avec la taille. C'est le résultat d'une assimilation basée sur un malentendu. Des fois, ça marche... Enluminure et miniature sont, au départ, deux choses différentes. Mais, à cause de ce malentendu, ce sont devenus des synonymes. Sauf qu'on a du mal à qualifier une pleine page du codex Gigas de miniature ! On peut garder le terme de miniature pour les petites images, mais, c'est pas très correct. Bonjour le mic-mac !

Quelques types d'images
On a vu que selon la taille et le type d'image, le sens, et ce qu'on peut y trouver, et la manière dont c'est représenté joue. Autant se familiariser un peu...

Pleine page : comme son nom l'indique, l'image occupe la totalité de la page. Attention, on peut avoir aussi des pages avec deux, ou plus, images... Le texte, s'il y en a, est très réduit.
Bible de Vivien, dite Première Bible de Charles le Chauve Présentation du livre à l'empereur, Saint-Martin de Tours, 845 BnF, Manuscrits, Latin 1 f423. Pleine page et dédicace à la fois. C'est-y-pas joli ça ? (Photo wikipedia)
Page de dédicace : page où l'auteur du livre l'offre à son commanditaire. Intéressant car on a souvent des personnages en costume d'époque de réalisation. Ca donne une base de comparaison. (Peut être en début ou en fin d'ouvrage).
Frontispice : page d'ouverture. Peut être utilisé pour l'ensemble d'un livre ou pour chaque évangile, par exemple.

Evangéliaire de Lindifarne, 710-721, page tapis, Londres, British Library, Cotton MS Nero D IV, f.26v (Photo Wikipedia)
Page tapis : Page totalement peinte de motifs décoratifs, sans humains. Les motifs peuvent être inspirés des textiles.

Page canon du Codex Aureus de Lorsch, vers 810, Alba Iulia, bibliothèque Battyiani, Pal.Lat.50. 138-1866 (Photo wikipedia)

Pages canons : Ce sont souvent de très belles pages, mais le nom ne vient pas de là. Pages comparant ce qui est dit dans les différents évangiles (de 2 à 4 colonnes)

Drôlerie, Maastricht Book of Hours, Londres, British Library, Stowe MS17 (Photo Wikipedia)
Drôlerie (ou grotesque à partir du XVe) : dessins souvent comiques et originaux hors texte et hors image principale. Ils auraient un sens très intéressant pour s'y retrouver. Certains les interprètent comme des ancêtres des marques-pages.
Bordures : surtout fin Moyen Âge. Motifs souvent végétaux qui occupent une partie de la marge.

Psautier de Winchester, milieu XIIe siècle, Londres, British Library, Cotton MS Nero C IV, f.39. Un superbe exemple de bordure et d'utilisation de la dite bordure (limitant l'Enfer) et de la marge (présentation de deux mondes, passage de l'un à l'autre, etc.) (Photo British Library)
Marge : partie où normalement il n'y a rien, mais on est dans l'image médiévale, et il s'y passe plein de choses intéressantes et marrantes. Cela joue souvent avec l'image principale. Les dépassements dans la marge ne sont pas anodins.
Antiphonaire, à l'usage des Frères Mineurs de Nancy (XVIe siècle), Bibliothèque-médiathèque de nancy, Ms 437, tome 2, f. 88. (Photo BM Nancy)
Lettrines ou initiales : lettre historiée : raconte une histoire ou contient un personnage (ou plusieurs) ; lettre ornée : lettre ornée de motifs géométriques, animaliers, anthropomorphes, végétaux (notez la nuance. La lettre historiée est une lettre ornée mais toutes les lettres ornées ne sont pas historiées).

Comment les appeler ? 
Soit vous savez quel type d'image c'est, et vous pouvez le préciser. Sinon, parmi les mots corrects : image, enluminure, miniature, vignette, dessin (s'il n'y a pas de couleur).
Mais... Surtout pas icono.
Merci de votre compréhension.

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