jeudi 30 août 2018

METHODOLOGIE 2

UN PEU DE METHODE SCIENTIFIQUE
Comment aborder une idée géniale qu'on a devant une source


Mmmm... Je me ferais bien ce joli chapeau !
On va voir un aspect qui est peut-être un peu pointu... 
Si votre but, c'est de vous faire plaisir, d'avoir des costumes qui sont de style médiéval, sans vouloir être histo, ce n'est pas vraiment nécessaire de tenir compte de ce qui va suivre. 
En revanche, si vous voulez vraiment approfondir la question, et surtout, comprendre ce qu'est le costume médiéval, et communiquer avec le public, ou, pourquoi pas, faire de la recherche poussée sur la question, cela peut être un point de départ...
Ca peut faire peur... Mais on s'y fait. 

Doot doot...
(ça me rappelle ma jeunesse, il y en a qui auront peut-être la référence...)
L'un des aspects essentiels de la recherche, c'est... Le Doute !
Ne considérez rien comme acquis. Images, textes, études... Même les sources premières peuvent être trompeuses.
Bien sûr avec le temps, l'expérience, vous remarquerez que certains auteurs sont plus sérieux que d'autres (ils ont généralement la capacité de se remettre en cause, d'accepter la discussion... Et ont des références)
Les références, les notes de bas de page, dans les articles académiques (pour la vulgarisation, on a pas toujours la place, donc, on limite... hélas), c'est un moyen pour les autres chercheurs de pouvoir vérifier les dires. 
Une note de bas de page n'est pas là pour faire "vous voyez, j'ai ouvert un bouquin", mais pour que ceux qui passent derrière puissent aller voir votre source, et voir si ce que vous avancez est exact, comprendre votre cheminement. 
J'ai déjà eu de très mauvaises surprises en ayant la curiosité de vérifier des notes (voir mon expériences avec Penelope Fitzgerald. Mais aussi en reconstitution... Et parfois, vous vous trouvez aussi devant des dilemmes. Un texte, généralement en anglais, qui peut être interprété de deux manières... Ze foute.) 


Là, c'est facile, on voit bien qu'il faut mettre "néo" devant "gothique".
Le but de la recherche c'est justement de remettre en cause ce qui a été fait. C'est pas pour enquiquiner le monde, c'est pour faire avancer les choses. C'est valable quelle que soit la science. 
Ce sont les règles du jeu. Cela dépend de nouvelles découvertes, essentiellement, en sciences humaines (voir le gag de la lecture des Arnolfini par Panofsky, balayée par la trouvaille citée précédemment). Ca dépend aussi des relectures (cf ce pauvre Viollet-Le-Duc). On a accès à plus de sources (merci le net), les communications sont plus rapides. Ca aide. En outre, l'intérêt des recherches en commun, multi-disciplinaires, est réel, et cela a explosé ces dernières années. Archéologues, historiens, spécialistes de la littérature, archivistes, historiens de l'art, qui bossent tous ensemble, ça donne de sacrés résultats. Je digresse un peu, mais c'est histoire de bien situer ce qui se passe en ce moment, et pourquoi la connaissance du costume médiéval a fait des progrès considérables ces dernières années au niveau de la recherche académique. 
Bref, on discute de nos travaux. Et on référencie le mieux possible. On analyse, on essaie d'avoir une méthode en béton.

La méthode en béton, elle est basée sur le doute et sur la réfutation des idées qu'on peut avoir. Si, si... 
Si vous pensez avoir trouvé quelque chose, le but de la manoeuvre n'est pas de collecter tous les éléments qui vont dans le sens de ce que vous croyez, mais, au contraire, de  
chercher tout ce qui va détruire votre hypothèse !

Y a du texte, mais il est pas de l'époque du sarcophage... Mais ça, il a fallu que des chercheurs le découvrent, que c'était apocryphe.

Exercice
Exemple tout bête : vous avez trouvé un gribouillage sur une fresque, sur une ceinture par exemple, qui indique une décoration d'un type que vous n'avez jamais vu auparavant... 

Option 1 : Super, je vais reproduire ça, et je serai la première personne à l'avoir.

Option 2 : Est-ce que le gribouillage est de la même date que l'oeuvre ? Est-ce un vilain acte de vandalisme ? Est-ce une restauration ? Si c'est une restauration, sur quoi s'est-elle basée ? Quel personnage le porte ? Est-ce que cela correspond à une particularité iconographique ? Est-ce que ce n'est pas une saleté sur mon objectif (si, c'est possible) ? Est-ce qu'il y a d'autres exemples de ce type quelque part ? Est-ce qu'il y a une littérature sur l'objet ? Est ce que Etc. ? (Selon le type de source et ce que l'on veut en faire, ça change...)

Option 3 : M'en fiche, c'est pas ma période.

Solution
La bonne attitude est évidemment la 2 (ou la trois, mais vous pouvez toujours en faire profiter des copains dont c'est la période) : plus on se pose de questions qui vont à l'encontre de ce que l'on veut obtenir (une ceinture avec une déco inédite), et plus on réfléchit, honnêtement, aux réponses possibles, ce qui demande des recherches supplémentaires, plus vous comprendrez ce que vous avez sous les yeux et saurez si vous pouvez ou non le reconstituer. Souvent, si la réponse est non, ça peut vous donner un sujet d'article académique. C'est cool ! (Après, vous les accumulez, et vous arrivez pas à suivre, donc, vous gardez les meilleurs pour les colloques et pour la traduc en anglais, et pour les autres, vous faites un blog...)
Après, une fois que vous avez fait le tour, vous pouvez, le cas échéant, vous lancer dans la réalisation, et vous serez parés pour répondre aux demandes éventuelles.
Une bonne préparation avant réalisation fait que vous avez aussi des arguments solides.
Si votre but est une reconstitution sérieuse, rigoureuse, il faut passer par là. 
Si votre but est de vous faire plaisir avec tel ou tel objet qui ne passe pas les différentes questions, faites le, mais, c'est de l'évocation. 

Allez, j'vais me faire ça ! Ca passe partout ! Et c'est sourcé !


La reconstitution rigoureuse, la recherche, c'est aussi un plaisir, hein ;) 
C'est juste que... c'est looooooooooooooooooooooooong !
Et surtout, il ne faut pas voir que ce qui va dans son sens. Au contraire, c'est ce qui va contre qu'il faut chercher !

Posez-vous des questions, encore, et toujours... Posez-vous les bonnes questions
N'oubliez pas : 
la bonne question ce n'est pas : 
"Comment je vais le faire ?" 
C'est 
"Est-ce que je peux le faire en fonction du niveau d'historicité que je prétends avoir ?"
Le comment, ça vient après, si ça passe... 

Le costume médiéval, c'est un puzzle, dont il manque la majorité des pièces. Pour cela, il faut de la patience, du temps, savoir analyser les quelques pièces dont on dispose, savoir où les mettre, les changer de place éventuellement.Tout cela demande énormément de réflexion et nécessite d'avoir conscience de ce qu'on a en main. 

Parcourez le blog, et vous trouverez pas mal d'exemples de sources qui ne peuvent pas être utilisées pour une raison ou une autre...

Et encore, on n'a pas vraiment envisagé la question majeure : contextualiser. 
(Et le chapeau en haut d'article... C'est pas une bonne idée du tout ! La Tunicella non plus...)



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