dimanche 30 octobre 2022

TROUVAILLE ARCHEOLOGIQUE

LE SAC DE ROME SUEDE

QUAND TEXTE ET ARCHEO SE REJOIGNENT

Reconstitution faite à partir de la découverte archéologique d'Aborga.

Un grand merci à Sofia Berg et Henrik Summanen pour m'avoir communiqué les précieux documents, photos, etc. Crédits photos et recherches : Sofia Berg et Henrik Summanen (publiées avec autorisation) Les recherches google map sont personnelles.

Revenons sur la question du sac de pèlerin, aimablement présenté il y a quelques temps par Lady Castel. 

(Ici )

Le sac de pèlerin est un accessoire que l'on voit régulièrement reconstitué, et généralement, c'est en lin... 

En me basant sur les sources écrites, j'avais précisé que celles-ci étaient sans équivoque : cuir. Avec, en prime, des raisons symboliques.

 Voilà ce qui est écrit sur la besace dans le sermon Veneranda Dies, datant du XIIe siècle :

"la besace est étroite car le pèlerin doit placer en Dieu sa confiance et non en lui-même, elle est en cuir d’animal pour rappeler à l’homme qu’il doit mortifier sa chair et elle est ouverte car le pèlerin doit partager ses biens et être prêt à donner et à recevoir."

(cf l'excellent ouvrage d'Adeline Rucquoi, Mille fois à Compostelle, Pèlerins du Moyen Âge, Les Belles Lettres, Paris, 2014, 95)

J'avais supposé que cela pouvait très bien être un sac de forme rectangulaire, déformé par le port et le poids.

Bon, là, mea culpa. Il y a de l'idée, comme on va le constater. En tout cas, on oublie le trapèze (tant qu'on n'a pas de source sûre).

Le sac d'Arboga (Suède)



On a retrouvé un sac récemment en Suède, à Arboga, plus précisément. Il y en existe un autre en Suisse, également de cuir, qui sera présenté plus bas. Bref, les trouvailles archéos confirment la matière.  

 Datation : vers 1300-1500. 


Comme indiqué dans le sermon, nous sommes bien sur une forme étroite. Ceci laisse entendre que, ô surprise, les artistes auraient eu tendance à exagérer la taille de l'objet, afin de le rendre bien identifiable en tant que sac de pèlerin, et ainsi confirmer l'identité du porteur.

La lanière de suspension
Le lieu de trouvaille se situe sur un chemin de pèlerinage, reliant Köping (en Suède) à Nidaros (Trondheim, Norvège). Et c'est même au tout début. (Soit le propriétaire de la besace a vite abandonné, soit il a tout balancé au retour ! Compter 140 heures pour faire le voyage aller). Un trajet de 687 km, avec les chemins actuels (et 687 km à pied, ça use les souliers, on s'en doute).

C'est pas tout plat...
Reconstitution par Sofia Berg (ne ratez pas la vidéo !)


 

Bref, c'est ce qui s'appelle de la belle trouvaille, qui répond aux questions de "matière et forme ?"

A noter qu'on trouve aussi un petit système de fermeture. La recommandation du sermon n'est pas totalement respectée, ou alors, le sermon évoque un système plus sophistiqué (deux brides ?)

 La forme, pour l'exemple suédois, c'est plus une poire.

Voilà le lien vers publication facebook d'Arkeologgruppen Örebro

Et un autre vers cette vidéo de Sofia Berg, présentant l'objet et sa reconstitution (les sous-titres anglais fonctionnent !)


 Il semble vraiment qu'il faille oublier les sacs en trapèze et en lin, puisque même les sources archéologiques s'y mettent.

 

Le sac de Stein am Rhein (Suisse)

Un autre sac a été trouvé il y a une quinzaine d'années, en Suisse. A Stein am Rhein, à la frontière allemande, entre Winterthur et le lac de Constance. Illustrations issues de l'ouvrage ci-dessus (transmis par Henrik) (Rédaction : Markus Höneisen et Daniel Gerboth, Baudepartement des Kantons Schaffhausen, Kantonsarchäologie, 2006)

Là encore, le sac est envisagé comme étant un sac de pèlerin, même si, évidemment, il restera toujours un léger doute. On reste sur un sac de cuir, avec base arrondie.  

Le sac est daté de la première moitié du XIVe siècle.


 L'état de la pièce :

 Proposition de reconstitution. Nous sommes un peu plus sur un rectangle que sur une poire, exception faite, évidemment, de la base arrondie. Mais, selon Marquita Volken, le sac a été modifié... C'était aussi une poire. (Merci à elle pour cette précision)


La bride. Le système de fermeture diffère donc de celui d'Arboga.

Conclusion
Ces deux pièces archéologiques viennent ainsi confirmer la description du sac de pèlerin faite dans le sermon du XIIe siècle, et dans d'autres sources écrites : cuir et étroit. Il est certes impossible d'affirmer que ces deux sacs sont bel et bien des sacs de pèlerin... Mais, la description du sermon semble le confirmer. Sources écrites et archéologiques se répondent et paraissent se confirmer, en fait. 

La question de la fermeture reste en suspens, ceci dit. Néanmoins c'est, encore, une preuve de la nécessité de manipuler les sources iconographiques et la question des proportions des objets figurés avec énormément de prudence. Les sources ayant tendance à présenter des sacs beaucoup plus grands que nos deux exemples archéologiques, dans le but, certainement, de bien identifier le porteur. Chapeau, bourdon et sac, voilà ce qui fait un bon pèlerin.



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