Complément de mon article paru dans Moyen Age n°110
(août-septembre-octobre 2017), pp. 88-93.
Le meilleur angle pour voir cette charmante dame ! |
Petit résumé rapide : il y était question de la manière dont la coiffe avait d'abord été stigmatisée par l'Eglise, puis, parfois, acceptée. Et des manifestations de ces stigmatisations et acceptation (relative), ainsi que du résultat final sur la mode du touret.
Je vous conseille vivement la lecture de cet article (et de tout le numéro, parce qu'il y a,comme toujours, plein de choses bien), pour avoir l'occasion de visionner quelques documents rares (comme cette très intéressante statue photographiée par Catherine Besson, et dont Enlart fait mention dans son ouvrage).
Comme vous vous en doutez, il n'est pas possible de mettre toutes les photos que l'on veut dans une publication, contrairement au blog. J'en profite pour ajouter quelques clichés.
Gisant d'Aelis de Joigny, vers 1250, église St-Jean, Joigny. L'avantage, avec les gisants, c'est qu'on peut voir le dessus ! |
En premier lieu, un détail du Jugement Dernier de l'église St-Hilaire d'Asnières-sur-Vègre. C'est l'un des plus anciens tourets connus, la fresque étant estimée dater de 1200. Evidemment, on est dans l'ouest de la France, là où l'on trouve les plus anciennes représentations...
Chaudron infernal, Enfer, église St-Hilaire, Asnières-sur-Vègre. Vers 1200. Au menu, pècheresse sauce grimace, surmontée d'un touret en pâte feuilletée. |
On est dans le chaudron de l'Enfer. La femme qui le porte est un symbole de la vanité féminine. Le touret en est la preuve. C'est le seul élément visible. On peut donc en déduire que cet objet était suffisamment dénigré pour que tout le monde le comprenne pour ce qu'il est : une vanité inutile...
Cathédrale d'Angers |
Les tourets vont donc se voir fréquemment dans des endroits précis des édifices religieux, endroits qui montrent son caractère "négatif".
Démon coiffé d'un touret, piétiné par la Vierge, cathédrale d'Amiens. |
Dans l'article de Moyen Age, on peut voir un détail de Jugement Dernier, sur une damnée, encore, ou une Dalila, avec un touret et une barbette très plissés, symbole de Vanité et de gaspillage. Tout ce que l'Eglise adooooooooore... Les exemples peuvent se multiplier, comme à Angers ou Poitiers.
Poitiers, vers 1210 ? |
C'est, à mon sens, dans les représentations des Vierges Sages et des Vierges Folles que l'on voit le mieux ce qui va et ce qui ne va pas. Les oppositions sont courantes sur les murs des lieux de culte, et l'étude comparée de ces sculptures, édifice par édifice, est souvent parlante. Dans certains cas, on remarque que les Vierges Sages sont voilées, alors que du côté des Vierges Folles, on va trouver quelques coquines coiffées d'un touret. C'est le cas à Longpont (cf Moyen Age). C'est aussi le cas à Amiens.
Cathédrale d'Amiens, Vierge Folle |
Cathédrale d'Amiens, Vierge Sage. Les Vierges Sages d'Amiens sont coiffées d'un voile, ou têtes nues. Les tourets ne sont portés que par des Vierges Folles. |
Mais le touret finit par entrer dans les églises... Sur la représentation de personnages "réels". Les gisants et images de donateurs, aux portails ou dans le choeur, montrent une relative acceptation de ce phénomène de mode.
Donatrice, église St-Etienne, Gorze. Sculpture se trouvant à l'extérieur de l'église abbatiale. |
Néanmoins, parallèlement, on continue de le voir dénigré... Et j'aime énormément une sculpture se trouvant au Musée Saint-Loup de Troyes...
L'Envie, piétinée par un prophète, provenance incertaine (Troyes), fin du XIIIe siècle, Musée St-Loup, Troyes |
Le symbole de séduction (car c'est ce qu'est le touret) en prend pour son grade !
Cette statue montre l'association touret/vice. Dans l'article, on a la version strasbourgeoise, tellement intéressante pour l'évolution de la forme (il faut faire des choix), mais la version de Troyes est sacrément fascinante !
J'ai une chanson de Téléphone dans la tête, là... "Crache ton venin". La justesse des allégories médiévales est souvent surprenante. |
On pourrait multiplier les images de femmes dévalorisées (ou de personnages maléfiques) coiffées d'un touret se trouvant dans des endroits stratégiques dans les églises. A vous de jouer à les retrouver (Attention au torticolis ! Il faut souvent regarder en l'air).
Le téléobjectif, l'ami des historiens de l'art ! Cathédrale de Reims, façade sud. |
Je ne me suis pas étalée sur les vitraux dans l'article (c'est fragile !). Là aussi, on va voir les tourets sur des prostituées,
Prostituée coiffée d'un touret, vitrail de l'Enfant Prodigue, cathédrale de Chartres, vers 1210 |
mais également sur des femmes plus respectables, comme les donatrices.
Donatrice, rose sud, cathédrale de Chartres, 1224. |
Les joies de l'art médiéval où rien n'est jamais systématique et où tout doit être analysé en fonction des contextes. Et le tout, dans le même édifice !
Sainte Clotilde, détail du vitrail de la Vie de Saint Rémy, 1210-1225, cathédrale de Chartres, |
Pour le pourquoi du comment que l'Eglise n'aimait pas ça, et la disparition, je vous renvoie à Moyen Age ;) pour mes idées sur la question. Cet article regroupe quelques idées exposées lors de ma communication à Kalamazoo et lors de ma participation au séminaire Questes. Dont certains aspects dont je ne parle pas du tout ici.
Enfin, en ce qui concerne les tourets décorés (voir mon article sur le touret de la chapelle de la Vierge à Saint-Denis sur ce blog, voir ici, en cliquant, c'est magique ! ), un très bel exemple que j'ai eu l'occasion de découvrir à Chicago, sur un meuble néo-gothique :
Le touret selon le XIXe siècle. |
Burges et Westlake, desserte de style néo-gothique (détail), 1859, Art Institute, Chicago. |
Je vais faire des efforts pour republier un peu plus souvent (l'été fut... épique...)
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