AIGLES, GRIFFONS, ETC.
Les textiles papaux d'Anagni
Un beau livre, très beau livre...
Autant le dire tout de suite, le livre
est un chouïa chérot. Mais vaut largement la peine quand on
s'intéresse aux soies et à la broderie médiévale, et, qu'en
prime, on a visité Anagni. Car l'air de rien, cette petite ville
médiévale au sud de Rome mérite d'être visitée. Cathédrale
somptueuse, crypte peinte à couper le souffle, palais papal petit
mais costaud. Anagni se permet en plus le luxe d'être incontournable
si on veut comprendre les soieries médiévales, la ville étant
carrément un trousseau de clés.
Parlons broderies
Où l'on découvre qu'il n'y a pas que
l'opus anglicanum et le point de Bayeux dans la vie... Il y a aussi
l'opus ciprenses (ou cyprense), broderie réalisée en fil d'or de chypre. C'est la
technique utilisée pour les textiles les plus fameux provenant
d'Anagni : la chape et la dalmatique rouge (et or) avec lions,
oiseaux, etc... Bref des motifs similaires à ce qui était tissé.
Chape dite de Boniface VIII. Photo Carlo Raso, Flick. |
On a aussi de l'opus anglicanum :
vêtements et devant d'autel par exemple.
L'intérêt de ce très beau livre est
de nous montrer des détails de qualité de tous ces textiles. Et
l'on découvre des vêtements exploitables en reconstitution parmi
les motifs (souvent en médaillons).
L'autrice ne se contente pas de
présenter les textiles. On trouve aussi d'intéressants rappels
historiques permis par la taille du livre (plus de 460 pages). Et
c'est là que je me régale puisque cela rejoint mes propres
recherches sur les soies à médaillons. Bref, les aigles et les
griffons, par exemple, c'était du tissu impérial... J'ai reçu le
livre à mon retour de New York (communication sur les soies à médaillon, justement), et c'est tant mieux parce que
j'aurais ajouté encore des tas de trucs, ce qui est gênant quand on
ne dispose que de 20 minutes... Mais, finalement on revient toujours
aux mêmes idées. Cette partie est primordiale pour tout ceux qui
s'intéressent aux soies, car elle remet les choses à leur place. Le
caractère particulier des textiles médiévaux est remarquablement
mis en avant, y compris le lien entre les tissus et le souvenir du
donateur.
Ce livre est une réelle étude
critique des textiles d'Anagni. On y trouve un catalogue complet,
avec des plans de coupe, des croquis, et des détails, des détails,
des détails.
Personnellement, j'ajouterai un bémol.
Il y a d'intéressants liens effectués avec d'autres lieux, trésors,
etc. Y compris une intéressante photo de la décoration du palais du
Vatican au Moyen Âge... Mais... Pourquoi ne pas avoir ajouté aussi
le décor peint du palais d'Anagni ? On a là un exemple
extraordinaire. Et rien des fresques, certes plus anciennes, de la
crypte de la cathédrale.
Décoration du palais papal d'Anagni (Photo Tina Anderlini) |
Malgré cela, ce livre est utile, par
son iconographie et la qualité des recherches de l'autrice. Les
tissus à médaillons ne sont pas à utiliser à la légère, et
cette étude en est une preuve.
Christiane Elster
Die Textilen Geschenke Papst Bonifaz'
VIII. (1294-1303) An die Kathedrale von Anagni
Päpstliche Paramente des späten
Mittelalters als Medien der Repräsentation, Gaben und
Erinnerungsträger.
Petersberg : Michael Imhof Verlag,
2018
Prix : 99 €
Vaut largement son prix
Hautement recommandé pour lecteurs passionnés
Photos de l'éditeur, sauf indication contraire.
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