lundi 9 octobre 2017

MODE XIIIe

MANGE TISSU part 2

LA ROBE DU XIIIE SIECLE


Complément d'informations distribué lors de ma communication à Leeds.


Sources littéraires
Autres éléments de costume et accessoires
Aspects techniques (quantité de tissu, patrons, etc.)

Les photos ne sont pas comprises dans le document d'origine (et les légendes non plus...) Seuls 4 dessins y figurent.


ENGLISH VERSION (no pictures except for patterns), Here !




















Sources littéraires
Galeran de Bretagne, de Renaut (ou Renart). Roman. Début du XIIIe siècle.
Traduction en français moderne : Jean Dufournet, avec quelques transformations (par ex., M Dufournet traduit « surcot » par « tunique », ce qui n'est pas aussi pertinent que dans les textes latins « tunica » est la cotte, le « surcot » est la « supertunica ». J'ai préféré garder les termes originaux de « robe » et « surcot ». J'ai aussi changé « broche » -traduction de « noische » par « fermail »). Ce texte « réaliste » est plein de précieuses info textiles et sociales.


Robe de soie pour noble jeune homme.
2040 Cil l'a bien de l'ueil ravisee, (concerne Frêne)
Qui est com haulx homs atournez.(Galeran)
Il est d'une robe aournez,
De cote et surcot d'un dÿapre
Ausques pour l'or et roide et aspre ;
2045 S'est la fourrure d'ermines
S'a es espaules deux sardines
En or assises du surcot,
Dont ferme la chevesce et clot.
(Il l'a longuement contemplée, habillé à la manière d'un noble personnage, il porte comme robe une cotte et un surcot de soie diaprée que l'or a rendu rêches au toucher et qui sont doublés d'hermine. Sur ses épaules deux sardoines serties d'or ferment l'encolure du surcot)


Couper une robe de drap d'or :
6747 Sus va son drap tailler et fendre : (Frêne)
Oncques ouvriers a mains de taille
Ne taille robe comme ceste.
6750 En pencee a qu'elle s'en veste ;
S'en a taillé mantel et cote
(Là dessus elle va tailler et couper son drap : jamais ouvrier ne taille de robe en si peu de coups de ciseaux. Elle a dans l'idée de s'en vêtir ; aussi y a-t-elle taillé un manteau et une cotte)


cf vers 506 etc. origine du tissu.


Accessoires :
6922 De sa robe s'est atournee, (Frêne)
Qui vault soissante mars d'argent ;
S'a un tyssu saint bel et gent,
6925 Plains de saffirs et de jagoncez ;
Es membres a plus de quatre uncez
D'or rouge, et en la boucle riche,
S'a noische dont elle s'afiche :
N'est mie povre ne petite,
6930 Qu'il y a mainte crisolite,
Et berilles, et calcidoines,
Et ametixtes, et sardoines ;
Si li ot Galeren donnee.
De blanche guymple est atournee ;
6935 S'en a repost et nez et face ;
Ne veult mie, que qu'elle face,
Que nuls si tost a court la sache ;
A sa noische ferme l'atache
De son mantel, qu'i ne se meuve.
6940 Rose vest une robe neufve, (Rose : Frêne's friend. Not a noble-born)
D'escarlete, cote et surcot
(Elle s'est parée de sa robe qui vaut soixante marcs d'argent et d'une belle et élégante ceinture, garnie de saphirs de d'hyacinthes, avec plus de quatre onces d'or pur dans les anneaux et la somptueuse boucle. Le fermail dont elle ferme son collet n'est ni pauvre ni petit, puisqu'il abonde en chrysolithes, béryls, calcédoines, améthystes et sardoines : c'est Galeran qui le lui a donné. Elle porte une blanche guimpe dont elle se dissimule le nez et le visage : elle ne veut pas, quoi qu'elle fasse, qu'on la sache si tôt à la cour. Au fermail elle fixe l'attache de son manteau, pour qu'il ne glisse pas. Rose revêt une robe neuve en écarlate, cotte et surcot.)


s'habiller dans les espaces publics et privés du château :
7354 Gente en pur le corps, sans mantel, (Gente reconnaît sa fille)
Vient à l'uis de la chambre errant
(Gente simplement vêtue, sans manteau, se précipite à la porte de la chambre)
Là, je peux sortir, j'ai tout ! Et je peux jouer avec mes doublures !
Autres éléments de costume et accessoires pour cette tenue :


L'ensemble se compose d'une chemise de lin (aux chevilles), de chausses de mérinos, sergé, rouge, à hauteur des genoux, maintenues par des jarretières en soie bleue, faites au fingerloop.
Un voile de lin, une barbette et un bandeau en lin ornent la tête. Les cheveux sont maintenus par un filet de soie blanche. Les filets du XIIIe siècle semblent surtout être de couleur naturelle ou d'une couleur imitant celle de la chevelure. (Mais ils peuvent être brodés. Le vert paraît être éventuellement envisageable. Le rouge est fortement déconseillé, suite à analyse iconographique. Cela peut changer ensuite, à vérifier soigneusement)
Une ceinture de soie à éléments métalliques est sur la cotte. 

Il y a aussi une petite bourse de soie, puisque les bourses féminines sont petites (sauf sur certaines images, quand le détail de la bourse est signifiant). Les bourses masculines peuvent être plus grosses, surtout en Allemagne (Attention en outre aux allusions sexuelles des bourses... Jeu de mot valable au Moyen Age...) La bourse est fermée et attachée à la ceinture par des liens de soie bleue (Il convient de bien fermer la bourse... Allusion sexuelle, toujours... Là, c'est vaginal...)

Montrer d'autres accessoires (patenôtres, pomander) ne paraît pas envisageable. Les patenôtres ne sont montrés que pour la prière, ou dans les mains de Faux-Semblant dans le Roman de la Rose. Il peut être dans la bourse, avec l'argent et des épingles à voile (ce qui se perd souvent...). Les pomanders ne sont connus que par les textes et de vagues descriptions. Ils ne paraissent pas avoir été en usage très tôt. Les textes fin XIIIe et début XIVe concernent le (très) haut clergé et la royauté. Des descriptions plus tardives (post Peste Noire) existent.


Petits gants de cuir blanc. Il semble que les gants plus longs sont pour chevaucher ou chasser (ou indiquer un détail signifiant). Les bagues sont portées sur les gants. D'après Pastoureau, il est préférable de ne porter que le gant gauche et de porter le droit dans la main gauche.
Et, bien sûr, les indispensables : deux fermaux, une pour fermer la cotte, l'autre sur le surcot pour tenir le las du manteau.  

On peut noter la quantité de tissu (on est fin du siècle, il y en a encore plus. Et c'est du block Style)
Attention, le port du fermail purement décoratif ne semble se voir que dans certaines zones (pays germaniques), et sur des personnages non réels (Vierges Sages et Vierges Folles). A vérifier. 
Par exemple à Strasbourg (vers 1280) : fermail porté sur une Vierge Folle.
Le groupe le plus fameux présentant des fermaux décoratifs sur personnages non négatifs (Vierges Sages) se trouve à Erfurt, et date du second quart du XIVe siècle... La position de l'Eglise aurait peut-être changé à cette date.
 
La robe, quelques aspects techniques.

Plié, ça fait pas encore trop peur...
 Quantité de tissu : 12m X 1,55 m. 18,6 m²
Ceci peut être comparé avec les informations du Roll of Cloth (London National Archives, C47/3/3) (Benjamin L. Wild, The Empress's New Clothes, Medieval Clothing and Textiles 7, 22-23)
22 : 2 robes faites dans 28 aunes d'écarlates. 14 aunes par robe. Si le lé d'écarlate était de 2 aunes (ells en anglais), (Magna Carta, article 35. Una mensura vini sit per totum regnum nostrum... et una latitudo pannorum tinctorum et russetorum et halbergettorum scilicet due ulne infra listas. L'écarlate peut être considéré comme pannorum tinctorum, sans meilleures informations) : 22,68 m². Il y avait peut-être un 4e garnement (surcot avec manches?). Comparé à item [23], cotte, surcot à manches et manteau d'écarlate , 11 ells = 17,82 (sur la base 1 aune = 0,90 m), nous sommes très proches, mais il manque l'information de la taille d'Isabelle. Si elle était de taille moyenne, sa robe était donc de proportions bien plus impressionnantes que ce qui est proposé.

Déplié, sous le doux soleil lorrain. (Si quelqu'un veut faire mon jardin, pas de problème...)
 Ce qui reste une fois la robe terminée ? Assez pour faire une seconde paire de manche, et quelques morceaux épars. Un tailleur doué aurait pu en faire une paire de chausses féminines. 
Ca prend pas de place.... Et le chat est passé par là. (essai de mise en place surcot/cotte)
Sources du patron. La robe de sainte Claire et la Synagogue de la cathédrale de Strasbourg.(Protomonastero di Santa Chiara, Assisi, Musée de l'Oeuvre, Strasbourg)
Le patron est plus ample. Il y a 4 godets sur chaque côté. Sur un côté, il y a en fait 3 godets, le plus ample, au centre, a reçu une fausse couture centrale. Ce n'est pas par souci esthétique mais c'est très important pour l'aspect général et le tombé des vêtements.


Cotte et surcot ont, plus ou moins, le même patron. La cotte a une ouverture centrale en V, fermée d'un fermail. Le surcot a une ouverture latérale sur l'épaule gauche, fermée par un lacet de soie.

IL N'Y A PAS LA MANCHE ! Je sais...
Les différentes parties de la robe sont cousues droit fil/biais, comme sur ste Claire, en partant du centre vers les godets centraux des côtés. Il y a coutures avec utilisation des lisières, en réponse à la fausse couture du godet correspondant opposé. Les godets centraux du surcot sont plissés et couverts d'une pièce sur l'envers pour les renforcer. Ces godets sont insérés plus bas que sur la cotte.
Les manches sont en un seul morceau, coupées dans le biais, des restes du manteau. Le biais offre les plis notables sur les sculptures gothiques. Cela aide aussi au resserrement sur l'avant bras. Le tissu de 155cm (lé) peut fournir 4 manches. Avec un lé de 180, et un manteau de 155cm de long, 2 manches + chausses homme, ou 2 manches + chaperon, ou 4 manches (y compris 2 tuyaux d'orgues seraient envisageables. Il semble que beaucoup de choses peuvent être envisagées une fois le manteau coupé avec un tel lé. Ce lé change totalement la manière dont on coupe une robe.



Patron général

Cotte : devant : 203 cm, dos : 210 cm. ampleur : 645.

Surcot : devant: 207 cm, dos: 212 cm. ampleur: 628 cm.

Pour une femme d'1,82m .




























 Et la version originale, avec des couleurs pour pas trop m'y perdre, et des mesures, qui, au final, ne seront pas forcément les mêmes ! 

Haut les mains !
(en fait, c'est la dégaine que doivent avoir les manches quand on pose le tout à plat...)
























Comment utiliser un tissu d'un lé de 2 aunes ? Les 4 panneaux principaux d'une robe de 3 pièces peuvent être fait sur la même ligne (chaque panneau fait 45cm). 
Les emmanchures seront coupées dans cet espace. J'ai prévu 37 cm pour la cotte et 38 pour le surcot, en ce qui concerne la carrure. Les emmanchures partent en courbe, évidemment, et peuvent se continuer sur les godets selon l'ampleur donnée au haut des manches.
Les manches viennent de la partie contenant le manteau, comme d'autres éléments : manches + larges, chausses, chaperons... Tout ceci peut être coupé dans un coupon de 5 aunes et demi. Le reste sert aux godets. Une robe de bas statut, sans manteau, peut être coupé dans un tissu de 5 ou 6 aunes.

Les robes de femmes sont plus longues que celles d'hommes, les robes de riches plus longues que celles d'artisans qui sont plus longues que celles de paysans pauvres.
Point de grébiche, en soie verte, pour les extrémités. Cela aide à faire la différence entre les couches. D'après certaines parties de la robe de ste Claire.
Coutures en lin blanchi ou fil de soie.
 
Les tissus
La robe est en laine, doublée de différentes soies. Les tissus ont été choisis afin que la robe soit « neutre » : elle peut être portée partout en Europe. Tous ces tissus ont fait l'objet d'exportation. Un tissu a été rejeté : le satin, qui paraît n'apparaître en Angleterre qu'en fin de siècle (1274)
Tenue impossible pour une noble en Angleterre. De 1, parce que le tissage diamant, c'est has-been, de 2, parce le satin n'a pas l'air d'être arrivé en Angleterre quand le tissage diamant, c'est in. (Ou alors sous un autre nom, le coquin !)
Laine
Worsted, sergé losangé 2.2. Cela pourrait correspondre au haberget des XIIe et XIIIe siècle, identifié comme tissage diamant par E. Carus-Wilson. Pour elle, il s'agit d'un tissage 2.2. Pour P. Walton-Rogers, d'un tissage 2.1. La différence est visible de près (ou à l'envers). Le plus important, pour moi, était la taille des losanges. Ce petit motif est supposé renvoyer au haubert. Pendant des siècles, ce tissu était à la mode, et un symbole de l'aristocratie. La mode passe vers 1240-1250 (Voir l'article sur le site des GMA : http://www.guerriersma.com/contenu/Articles_tutos/Tissus_13/tissus_13.html )


Le choix de ce tissu place le costume avant 1240, la forme des garnements après 1200-1215. La forme et le tissu sont cohérents.
Les couleurs (framboise et noir) peuvent être obtenues naturellement : noir avec une laine très foncée, teinte à l'indigo, framboise avec Porphyrophora hamelii (cochenille d'Arménie). Le haberget pouvait être teint au kermès. La cochenille d'Arménie est un peu moins chère, mais reste chère.
Le haberget pouvait être de différentes couleurs. Le tissu à 2 couleurs est basé sur les autres worsted : tunique de sainte Claire et surcot de sainte Elisabeth (morte en 1231), fait de 3 couleurs, dont une teinte.
Soies 
manteau doublé de samit, un sergé, noir et blanc. Plus lourd que d'autres soies. Surcot doublé d'une soie très légère, bleue.
Trèèèèèèès légère... Y en a un peu moins. Le lé est moins large (et c'est un cauchemar à coudre...)
Faire une robe XIIIe et la porter... Rions un peu.
Travailler sur ces proportions est difficile si on ne dispose pas d'une grande table, et si on a un chat. Je n'ai pas de grande table, et deux chats...

Escabeau, mon ami ! (manque l'échelle)

Ajouter à la boite à couture : un escabeau, pour y placer le mannequin, et une échelle.
Pour la doublure avec cette soie très fine : prévoir des calmants (et des mouchoirs)
Se retrouver en haut d'un escalier en colimaçon et devoir descendre... Sans filet. On apprend vite les gestes qui sauvent. 














Plus sérieux :
Le manteau ne doit pas être trop long, sauf si on aime qu'il soit piétiné par des pieds ou des sabots...


Pour la chaleur, voir l'article sur le blog http://parolesdarts.blogspot.fr/2017/01/mode-ete.html

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