dimanche 26 août 2018

PERLES DE COUTURE

PERLES DE MOULINETTE
Infiniment petit

Manteau de Roger II de Sicile

Il y a des gens qui sont méga fans de perles. Genre Elizabeth Ière et son adorable papa ou encore cette chère Cléopâtre
.
J'aime beaucoup ça aussi. J'avoue.

photo Dargaud
Fan des pendants baroques, j'ai évidemment remarqué que dans le costume médiéval, on trouvait parfois des perles par-ci par-là.

Evidemment, j'ai très tôt craqué.
Mes premières créations étaient pleines de pierres, perles, broderies... Bling bling de chez bling bling. Et les exemples ne manquaient pas pour sourcer les choses. C'est que le Moyen Âge a fait un gros usage des perles. De perles relativement grosses (entre 5 et 8 mm).
Je précise que je ne faisais pas passer ça pour de la tenue de tous les jours, mais bien pour de la tenue d'apparat. J'avais au moins un minimum de présence d'esprit.
Je vous laisse imaginer le temps passé, et l'investissement en perlouzes. Je ferai un jour la critique de ma tenue la plus flashy, mais, j'attends la publication d'une certaine étude.

J'ai fait attention à certains aspects : éviter les perles de plus d'un centimètre de diamètre. J'en ai utilisées 3, sur une pièce d'argenterie. 1cm maximum. En effet, on n'avait pas encore de perles plus grosses au Moyen Âge.
J'ai aussi préféré les perles d'eau douce, plus irrégulières. On n'est pas chez Mikimoto.

Et, comme toujours, j'ai fait de plus en plus attention aux sources, en les analysant avec méthode.

L'utilisation des perles pour l'apparat était évidente. Même pour le gros apparat. Les usages étaient surtout flagrants pour les religieux et les circonstances sacrées.
Plus j'étudiais la chose, plus je regardais mes robes emperlouzées avec tristesse. J'avais déjà abusé des broderies, aurais-je abusé des perles et cailloux divers ?
Ben...
J'en ai bien peur.

M'étant pas mal intéressée au costume XIIIe et à ce qui précède pour mes recherches actuelles, j'ai été frappée par plusieurs éléments.
Déjà, au niveau des broderies sur costume, on est dans de l'exceptionnel. La belle tenue d'apparat. Le vêtement qu'on ne porte pas tous les jours. Ce qu'on garde pour les très grandes occasions : couronnements, mariages, rencontres entre souverains, etc. On rejoint là les remarques concernant les broderies.
Les ceintures ornées de perles, qui existent, sont du même acabit. Il en reste déjà très peu. Les plus célèbres étant celles de Fernando de la Cerda (encore lui) et le cingulum dit de Roger II, qui fait partie des regalia du Saint Empire et de l'empire d'Autriche, après avoir été le symbole des rois de Sicile.

Ca tombe bien, je reviens de Vienne. Donc, j'ai vu le cingulum, et d'autres petites choses avec des perles.
Déjà, il convient de préciser que le cingulum n'est pas une ceinture anodine. C'est, aussi bien chez les religieux que chez les souverains, un accessoire symbolisant le pouvoir, héritage de la tradition antique. C'est un symbole très important. Il ne fait pas partie des regalia pour rien.

Une chose est vraiment frappante quand on voit le cingulum : la petitesse des perles. Elles sont tout simplement minuscules par rapport à ce qu'on a l'habitude de voir (tout est relatif). Moins de 5 millimètres. Et irrégulières. Peu nombreuses si on compare cela aux autres regalia du Trésor Impérial, elles n'ornent que les parties tombantes du cingulum.


En ce qui concerne la ceinture de Fernando, il s'agit d'une ceinture d'apparat, qui pose encore beaucoup de questions. On ne peut pas parler de regalia, mais elle est en tout cas personnelle, de par les armoiries. Les plus grosses perles ne sont pas cousues mais piquées dans l'ensemble orfévré par des tiges métalliques, comme dans les couronnes. Les plus petites, formant un motif, sont elles cousues. On retrouve ce qu'on observe à Vienne.
photo patrimonio nacional
Ce sont deux objets royaux (Fernando était prince héritier, on n'est pas loin du trône, et ce n'est pas de sa faute s'il n'a pas vécu assez longtemps), très précieux. En dehors de ces contextes royaux et ecclésiastiques, je ne crois pas qu'il y ait d'autres objets similaires. Les perles sont sur des ensembles eux mêmes précieux, garnis selon les cas d'émaux, de soies riches et d'autres jolies petites choses, qui ont une fonction précise : signifier le statut extraordinaire du porteur. L'une est une ceinture de tissu, l'autre un objet orfévré. Dans la limite des connaissances actuelles, il est plutôt déconseillé de poser des perles sur une ceinture XIIe ou XIIIe (ou alors, il faut se montrer très cohérent pour tout le costume et taper dans la tenue à usage rarissime). Nous ne sommes pas encore dans les ceintures de noblesse qui vont suivre, ou dans l'étalage de richesse du XIVe siècle.
Fin XVe, c'est plus gros, et plus régulier...

On se balade entre l'Espagne et Vienne (mode Charles Quint...). Le cingulum n'est certainement pas le seul objet plein de perles du trésor impérial.
Détail de la Tunicella

Le manteau de Roger II de Sicile, la tunicella bleue, l'aube, l'étole (plus tardive), les chaussures, les gants, etc. ont tous en commun des décorations à base de perles minuscules. On peut en trouver une de près d'un cm sur le gants présenté de dos. Mais c'est un cas isolé. On est généralement sous les 5mm. Autour des pièces émaillées de la tunicella, on va trouver des perles légèrement plus grosses, et un peu plus rondes, cousues isolément. Les perles de l'aube semblent aussi plus grosses que celles du cingulum et du manteau. Mais on reste dans le petit, malgré tout. Et il faudrait voir aussi s'il y a eu des remplacements...
Détail de l'aube

Et surtout, surtout, les perles sont irrégulières. J'insiste, j'insiste...
Pompe impériale, dans tous les sens du terme....

Les choses changent lorsque l'on passe à la couronne impériale. Les perles sont majoritairement toujours minuscules sur l'arc. En revanche, on trouve des pièces plus grosses (mais, toujours moins d'un cm de diamètre !) sur les diverses plaques et la base de l'arc.

Le globe impérial est aussi orné de perles "grosses", alors que le fourreau de l'épée cérémonielle contient des petites perles.

Pour simplifier... Lorsque l'on a une perle "isolée", celle-ci est d'un diamètre important (enfin, je me comprends... C'est du 7mm au grand maximum, je pense), plutôt perle d'huître. Lorsque l'on a un groupe de perles (rangée, etc.) on a du très petit diamètre. Ce n'est plus de la perle de moule, c'est carrément de la perle de moulinette.
Manteau

Enfin, au risque de me répéter, c'est très irrégulier. Et ça reste réservé à des objets extraordinaires, pour des circonstances exceptionnelles. Et elles font parties d'ensembles eux mêmes remarquables.
Manteau


Bref, les perles, c'est beau, mais faut savoir les utiliser à bon escient.

Sinon, pour ceux qui font de la reconstitution renaissance, je pense que je vais me séparer de tout un stock de perles...

(NB : Les regalia se trouvent au Trésor Impérial de Vienne. Photos personnelles, dans des conditions d'éclairage... euh... Comment dire ?)

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