jeudi 29 décembre 2016

HAUT MOYEN AGE

MENSWEAR OF THE LOMBARDS. 
REFLECTIONS IN THE LIGHT OF ARCHEOLOGY, ICONOGRAPHY AND WRITTEN SOURCES (Living History)

 
ou, en VO :

L'abbigliamento maschile longobardo: Riflessioni tra archeologia, iconografia e fonti scritte (Living History)


YURI GODINO

Une fois n'est pas coutume, on va s'attaquer à un ouvrage électronique.
Après un instant de panique, j'ai appris qu'on pouvait installer un kindle sur son ordi (oui, quand on est lorraine, il y a forcément un côté quiche qui ressort. Chez moi, c'est niveau technologie moderne... mais pas que là...)
Je me suis intéressée à ce livre sur le costume lombard parce que... J'ai quelques amis qui font de la reconstitution lombarde... Que ce livre évoque deux endroits que j'aime bien : Marle (oui, on reconnait !), et Cividale que j'ai eu le plaisir de découvrir l'an dernier (entre autres avec des amis locaux qui font, justement de la reconstitution lombarde. Quelle coïncidence !)
Ce qui est dans ce coin là... Juste un petit chef-d'oeuvre de la sculpture du Haut Moyen Age. Rien que pour ça, il faut y aller.

Petit aparté, si vous avez l'occasion de passer par le Frioul... Eh bien n'hésitez surtout pas à visiter Cividale. C'est vraiment un endroit à voir (et pas trop envahi par le tourisme. Et en prime, on y mange bien). 

Juste pour vous donner envie d'aller voir Cividale et plein de chouettes choses lombardes.

Mais le livre ne se consacre pas qu'à un seul site. 
 
Evidemment, puisque c'est un livre électronique, on perd un peu le plaisir de la lecture. Surtout si on aime feuilleter. (Captain Obvious a décidé de s'installer chez moi...). Mais le contenu rattrape le contenant.

Ce que j'ai bien aimé, c'est que, dès le départ les difficultés de reconstituer les costumes du Haut Moyen Age sont évoquées. Yuri est un archéologue de formation. Donc, la méthode, il connait. Et elle est là. Ce simple petit détail fait de cette publication quelque chose de sérieux. C'est une interprétation, à partir de documents d'origines diverses. Est-elle bonne ? Est-elle mauvaise ? Grande question... En tout cas, c'est ce qu'il suppose, d'après ses analyses et ce que l'on possède actuellement. 

Etant donné l'état des connaissances, et le peu de sources, hélas, présenter la méthodologie était une nécessité. Que demander de plus ? On a une analyse rigoureuse des sources. Tout ce que j'aime ! Et j'apprécie aussi la mention du dilemme que l'on rencontre quand on a un pied dans le camp "recherche rigoureuse" et un pied dans le camp "reconstitution, contact avec le public", ce dernier aspect pouvant donner envie d'être plus "laxiste" avec l'Histoire. Pas de ça ici. Le choix du travail sérieux est fait. Et la responsabilité des reconstitueurs dans la transmission des savoirs est rappelée. Souvent. Et c'est très bien. Là aussi, je ne peux qu'approuver.
Je ne vais pas vous faire la description totale du livre. Mais, il y a ce qu'il faut. 
L'indispensable base : les textiles possibles. Ensuite, les formes. Et, une petite section qui ravira les amateurs de ce qui coupe. 
La partie textile, qui ne manque pas d'évoquer la question de la conservation et de l'identification peut paraître rébarbative, mais, c'est finalement très clair. Je pense que même un néophyte peut comprendre. 

Ce qui peut servir de base à la reconstitution d'un costume lombard. D'où la nécessité de croiser un maximum de sources... Le musée archeologique de Cividale est à visiter absolument !

Grand intérêt de cette partie sur le textile : les couleurs. Il y a une insistance réelle sur le nombre important de sources écrites concernant les teintures. Un sujet qu'on a tendance à négliger sur cette période. Et pourtant, il y a des infos. 
Les conseils, très avisés, à ceux qui pratiquent la reconstitution, sont nombreux. Et rejoignent ce qui se dit sur d'autres époques. Attention au choix des tissus, des tissages... On ne fait pas n'importe quoi, parce que ça plait. Un costume réussi demande un investissement certain, et une recherche poussée ! Haut Moyen Age, Moyen Age Classique : même combat ! Dans tous les cas, le costume est un élément fondamental de la société. Et il ne doit pas être pris à la légère. 
La possible variété des tenues est bien mise en avant.
Et puis... J'aime bien lire ce qui est écrit au sujet d'un certain type de bonnet... Réservé à certains personnages dans l'iconographie.

Bref... C'est du très bon boulot de recherche. Documenté, analysé, avec une démarche digne de ce nom. 
A quand le costume féminin ? 
 
Si ce livre peut intéresser les passionnés du Haut Moyen Age, la description de la méthode, et les précautions évoquées (on marche quand même sur des oeufs pour cette période) sont utiles à tout ceux qui travaillent sur le costume médiéval. 

YURI GODINO 
MENSWEAR OF THE LOMBARDS. 
REFLECTIONS IN THE LIGHT OF ARCHEOLOGY, ICONOGRAPHY AND WRITTEN SOURCES (Living history)

L'abbigliamento maschile longobardo: Riflessioni tra archeologia, iconografia e fonti scritte (Living History)
Bookstones, Rimini, 2016.
Moins de 5€ en format kindle. Disponible en anglais et en italien. 


HAUTEMENT RECOMMANDE pour les passionnés de costume, de reconstitution, et de méthode.

mardi 27 décembre 2016

MEFIEZ-VOUS DES IMITATIONS 1.

LES JOIES DU NEO-GOTHIQUE

AU PAYS DES RILLETTES


La cathédrale du Mans... Qui est bien belle.

Comme le dirait si bien notre ami Captain Obvious, une cathédrale ne s'est pas faite en un jour. 
Non seulement ça prend quelques siècles pour avoir le bâtiment, mais en prime, faut ajouter de la déco. 
Forcément, la déco suit la mode. Ce qui vous explique une Vierge XVIIIe dans le choeur de Chartres, pour ne citer qu'elle. 

Ouais ! Je suis une vierge XVIIIe et je squatte un choeur gothique !

On ne va pas aborder (maintenant... Mais ça peut venir un jour) la question des polychromies. Un coup je remets un coup de peinture fraîche, un coup, je décape le tout, un coup j'en remets, mais sur quelle base ? 
Jusqu'à présent, ça va, on arrive un peu à s'y retrouver (quoique, avec les polychromies...). 
En plus des modes, on ajoute les guerres, les catastrophes naturelles, les actes de vandalisme, les vols... Bref, vous comprenez que Minette court partout à la recherche de ses chatons et qu'il en manque toujours. 

Et voilà le XIXe qui s'en mêle.
Le XIXe, il nous a fait de tout. On a de l'historicisme, de l'éclectisme... Du Nouveau. Et du Néo. Beaucoup de Néo (qui entre dans la catégorie historicisme ou éclectisme, selon le dosage et la quantité de types de néos. L'aspirine est dans le placard, à gauche).
Pour résumer l'art du XIXe, c'est un peu le règne des Néo-Machins. "Machins" incluant tout ce qui a pu se faire dans l'art mondial depuis... Pas Lascaux parce que ça n'était pas encore découvert, mais... Depuis l'invention de l'écriture. Joie dans les coeurs !
(Je précise à l'intention des personnes qui sont déjà en train de penser que je dis du mal du XIXe siècle... Que je suis quand même spécialisée en préraphaélites. Et que j'aime ça. J'adore les néos. Les néos, c'est rigolo !)

Et parmi ces néos, les deux plus fameux sont le néo-classicisme et le néo-gothique. 

Le néo-gothique, on en a fait des monuments tout beaux, tout neufs. Et on en a fait pour restaurer ce qui était cassé dans du vrai gothique, ou pour finir aussi le dit vrai gothique (parce qu'une cathédrale... Voir Captain Obvious)


Ouais ! Je suis un vitrail néo-gothique et je suis dans la cathédrale de Sens !

Notre néo-gothique, il est du genre inégal. C'est à dire que vous en avez qui hurlent "Made in XIXe" rien qu'en les voyant de loin. Et d'autres qui sont de petits coquinoux. En gros, de bons, voire de très bons, voire d'excellents pastiches. Qui s'intègrent merveilleusement bien dans l'architecture.
Le problème vient que parfois, on ne sait pas trop quelles ont été les interventions. Parce que ce n'est pas renseigné (là, c'est si on s'adresse aux services de conservation, où les dossiers ne sont pas forcément complet... Surtout pour des interventions d'avant le XIXe sur un objet retrouvé au Musée des Monuments Français et de provenance inconnue), ou... on est simplement en train de visiter, et on n'a pas toutes les infos sous la main. 
Je crois que, en toute honnêteté, toute personne s'intéressant à l'art médiéval (même les grands spécialistes) s'est au moins une fois fait avoir, ne serait-ce que quelques secondes, par un néo très réussi. Il n'y a pas à avoir honte de l'avouer. Après tout, les musées sont plein de faux reconnus vrais, jusqu'à ce que quelqu'un mette le doigt sur ce qui ne va pas. Ou d'oeuvres sur lesquelles il y a un doute raisonnable et au sujet desquelles les spécialistes s'écharpent pour savoir si c'est du vrai ou du faux. 


Je suis un vrai, mais un vrai quoi ? Je fais causer, en tout cas...

Reconnaissons le, les infos ne sont pas forcément toujours faciles à trouver (l'ami Google n'est pas la panacée, surtout pour ce genre de recherches. Rien ne vaut le contact avec le service de conservation, ou le bon bouquin, avec du papier.). En n'oubliant pas que parfois... Ben on sait pas pour l'instant. (Et dans le doute... Abstiens-toi)
Mais, ce qui peut aider à repérer nos amis XIXe, c'est... Le regard. L'habitude des oeuvres médiévales ET XIXe, ça peut vous sauver la mise. 
En gros, pour les reconstitueurs : ça peut vous éviter de faire un costume ou un accessoire à partir d'une oeuvre qui est juste un peu trop jeune de quelques siècles, et, pour les historiens de l'art, de bâtir des théories sur l'art médiéval à partir d'un vitrail de Viollet-le-Duc. 
Quoique, quand on a un pastiche exceptionnel... Or, justement, le pastiche exceptionnel s'inscrit dans la lignée. Il reprend des schémas médiévaux identifiables. Donc, pas de quoi bâtir une théorie, ou une étude, puisque c'est déjà traité, et qu'on peut espérer avoir un corpus avec du vrai médiéval dedans (et un XIXe qu'on finira par éliminer). 
Le problème vient des pastiches de bonne qualité, ou de très bonne qualité, qui ont un petit truc qu'on ne voit pas sur une oeuvre médiévale.
Là, deux solutions, qu'on soit reconstitueur ou historien de l'art.

Option 1 : On s'emballe. On a trouvé le truc unique !!! Alleluia ! Gloria in excelcis deo ! 100 patates ! Je vais avoir le costume que personne n'a, avec un truc jamais vu ! Je vais sortir un article qui déchire et renouvelle l'histoire de l'art !!!

Option 2 : On doute. Mmmmmmmmmmmmmm... Bizarre ce truc unique... Vérifions tout le contexte. Vérifions l'histoire de l'oeuvre, des fois que...

Pffffffffff... Elle était un peu longue cette intro. 
On va donc passer à une étude de cas. Les plus perspicaces d'entre vous auront déjà, à la lecture du titre, compris qu'on va parler du Mans.


La cathédrale du Mans, sous un autre angle.

Une chapelle de la cathédrale du Mans, plus exactement. Qui vous mélange allègrement vitraux du XIIIe et du XIXe. Et certains détails sont vraiment bien fichus. (Je précise en passant que les vitraux du Mans, en règle générale, c'est du gros mélange... On a recomposé certaines fenêtres avec des fragments, en mettant aussi du contemporain, dans toute la cathédrale. Donc, là, vous avez intérêt à investir dans un bon guide ! Il y a par ailleurs une thèse qui existe sur les fenêtres XIIIe. Déjà, si vous trouvez pas les détails qui vous intéressent dedans, ça veut dire que... C'est peut-être du XIIe. Ou pas...)

Bienvenue !

Bienvenue dans la chapelle du chevet, avec son magnifique plafond peint.
Mais nous, on va s'intéresser aux fenêtres. Au nombre de 11.
Il est évident qu'on ne va pas toutes les faire... Mais il me paraît intéressant de mettre le doigt sur quelques petites indications.



Un petit nettoyage ne serait pas du luxe.
On a des vitraux qui paraissent plus propres que d'autres. Un indice, quand même. Mais, si cela peut dire que les vitraux propres sont plus neufs, cela peut aussi vouloir dire que certains ont été restaurés, d'autres pas. Donc, critère à retenir, mais avec précautions.

Fenêtre 1 : Adam et Eve, Arbre de Jessé


Fenêtre 1, lancettes 1 et 2. Adam et Eve, Arbre de Jessé.

Et on attaque par la première lancette. 

Adam et Eve, le péché originel. 
Première chose qui ne va pas. Adam n'a pas de dorelot (la petite frange à la mode au XIIIe chez ces messieurs), mais une raie médiane. Ca, pour du XIIIe, ça n'est pas très crédible. La sexuation se fait à ce niveau pour les coiffures. En outre, anatomiquement parlant, on est devant quelque chose qui paraît mélanger une anatomie simplifiée (comme on la trouve au Moyen Age) et détaillée (comme on la trouve au XIXe). Sentiment bizarre. 
Et le visage d'Eve a quelque chose qui ne va pas. 


Même impression pour la Création d'Eve. Le visage est étrange. Pas un visage XIIIe. Mais, là, Adam a une espèce de chouquette sur le front qui peut passer pour un dorelot. La gestuelle paraît correcte, ici, pour du XIIIe, mais, c'est au niveau des têtes que cela coince.

Lancette 2.
Arbre de Jessé.

Le roi David. Les caractéristiques du visage se retrouvent dans le vitrail d'Adam et Eve. Parfois...

Bien moins propre. Nettoyage ? Date différente ? 
Là... Il n'y a rien qui choque.
Ce qui est intéressant : on remarque que certains détails des visages (façon de faire les yeux, le menton, le nez) correspondent avec des visages de la lancette précédente. 
Mais, c'est là que ça devient vraiment passionnant... Si ces détails, typiques du XIIIe, sont régulièrement présents sur l'Arbre de Jessé, ce n'est pas le cas sur le vitrail d'Adam et Eve... Et ça... C'est bon pour Jessé, pas bon pour Adam et Eve. 
On aurait un artiste du XIXe, et un qui a bien bossé son XIIIe quand même.
En outre, sur l'Arbre de Jessé, on a un joli portrait du chanoine du XIIIe siècle, Guillaume de Marcé (oui, j'ai triché, j'ai un peu lu sur cette chapelle). Vitrail d'époque. Il faut bien un référant.  
Après coup, c'est facile. Quand on sait qu'on doit se méfier, on commence à voir ce qui ne va pas, partout. 

Jessé, et le chanoine... Attention à la lampe.
 Mais avant, quand on découvre un édifice et qu'on ne sait pas l'histoire précise, en présence d'une oeuvre qui risque de poser problème, il faut un déclic. Ce n'est pas dans la première fenêtre qu'on le trouve. Il faut aussi préciser que c'est bien plus facile à voir chez soi que sur place, surtout dans le cas des vitraux du Mans, où le "pasticheur" était vraiment talentueux. Sur place, il y a la distance, la hauteur de l'oeuvre, qui empêchent de saisir les détails suspects. Chez soi, on a les photos, que l'on peut agrandir. C'est pour cela que l'on peut se faire avoir sur place, et que c'est une fois rentré que l'on note qu'il y a peut-être problème. 
(Vous pouvez aussi demander sur place, si vous trouvez quelqu'un. Mais, c'est toujours risqué. Personnellement, j'ai eu tous les cas de figure : celui qui savait parfaitement. Celui qui reconnaissait ne pas savoir. Et le pire : celui qui fait comme si il savait mais qui, quand on lit les bons bouquins... Ben, au final, vous a raconté n'importe quoi. Ce specimen est heureusement minoritaire. Mais particulièrement dangereux... Je ne parle pas de ceux qui en sont restés à des théories qui se sont révélées fausses. Mais de ceux qui inventent.)


Judith et Esther. Vu ainsi, ça peut passer...

Fenêtre 2, avec deux lancettes, représentants les histoires de Judith et d'Esther.
La fenêtre où il y plein de rose. Et la fenêtre au pot aux roses. C'est là que notre pasticheur a fait quelques erreurs. Pas énormes. Et, sur place, on ne les voit pas vraiment. Et n'oublions pas qu'il s'agit d'un artiste du XIXe siècle, avec les connaissances de son temps. Contextualiser, c'est aussi tenir compte de ceci. 
Elles sont belles, ces deux lancettes. XIIIe, XIXe, on s'en fiche. Ce sont deux très beaux vitraux.  
Et on voit que l'artiste a vraiment voulu coller au modèle XIIIe. On retrouve la même lampe que dans l'Arbre de Jessé. Mais... Très simplifiée. Trop. 

Version simplifiée de la lampe de Jessé. Il y a déjà des choses qui clochent. Et pas que dans la lampe.

L'artiste a bien étudié les coiffes médiévales, d'après les sources. Mais il a fait quelques boulettes. On retrouve le dorelot-chouquette qui va pas. 

Dorelot, pas dorelot... La coiffure qui va pas...

Et les crêpines (filets à cheveux) ! C'est là que le bât blesse. 
J'avoue. J'ai cru, sur place, que c'était du XIIIe. J'ai cru, aussi, au premier regard rapide sur les photos, que ça collait. Et... Ensuite... J'ai un peu mieux regardé les coiffures. Et. Non. Ca ne va pas. 
Ce ne sont pas vraiment des cas isolés. Toutes les coiffes correspondent à des coiffes portées au XIIIe. Mais, il y a des petites nuances. 

Une crêpine pas nette...
 La décoration des crêpines, déjà. On a des filets décorés ailleurs. Pas du même type. La façon dont certains sont posés, bas sur le front. Ca ne va pas à cette date. Ca dégage plus le front, normalement.
La manière dont ces filets tombent sur la nuque. Et là, merci le XIXe. Inconsciemment, quand je voyais la manière dont les crêpines descendaient, je voyais apparaître des portraits féminins du XIXe. Des années 1860. C'est pas bon un truc comme ça. Elles portaient pas de filets, en plus, les jolies dames de chez Tissot ou Rossetti. C'est le tombé de la coiffure qui collait pas.

Rossetti, Femme en jaune (Annie Miller), 1863. Quand on pense à ça en voyant un vitrail soi-disant XIIIe, y a comme un problème.

Donc, là, une chose à faire : retirer les images de tout fichier médiéval, et enquêter sérieusement (si on veut en avoir le coeur net. On peut aussi mettre à part et ne plus y toucher. Mais... Savoir de quoi il en retourne peut-être utile. La preuve : j'en fais un article.) 
Et plus je regarde les photos, plus je me dis que... Pas méd. 

Pas med, le tombé des cheveux dans le filet !

Quand on ajoute tous ces petits détails : filet posé trop bas sur le front pour du mi XIII (ce qui correspond au type des tourets), décoration, manière dont les cheveux sont placés dans la résille ("lâchés" et non tressés, en chignon ou en couronne), et la lampe plus simplifiée que dans le vitrail de Jessé, ça commence à faire beaucoup. Et on se met à douter de tout... Je pense qu'un spécialiste du militaire verrait aussi un ou deux détails infimes (ou énoooooooooooormes) qui ne collent pas. 

Résultat de l'analyse de cette fenêtre, avant même d'avoir fait les recherches : Nécessité absolue d'analyse rigoureuse de chaque vitrail de la chapelle.

Après recherches... Effectivement. Bonne intuition. Cela fait partie de ce que je dis "ne pas sentir". Souvent difficile à définir avec précision au premier abord. Et souvent, c'est une petite incursion du XIXe. Mais comment repérer ce qui est XIXe si on n'est pas familier avec cet art là ? Avec les coiffures ? Peut-on travailler d'après des sources visuelles sur le costume médiéval si on n'a pas en tête le risque néo-gothique ? Car ce risque est réel. 

Jolie besace... Pas XIIIe, mais jolie.

On va pas faire tout le détail...
Juste... par exemple... Une besace d'un type jamais vu, et un cale qui ferme bizarrement dans la 10e fenêtre.  


Un nouveau système de fermeture. Le noeud, c'est surfait.

Sur l'ensemble des vitraux, on remarque aussi, de temps à autres, des gestes qui semblent anormaux par rapport au langage médiéval.

Ce qu'il en est de cette chapelle :
Les siècles des vitraux de la chapelle, de gauche à droite, fenêtre par fenêtre (slash), lancette par lancette (tiret)
19-13/19/13-13+19/13/13/13 ?/13+19-19/19/13/19/19
Voilà, voilà... Le détail des fenêtres, niveau dates de réa, sachant que dans certains cas, on a de la restauration XIXe dans du XIIIe. (Je vous ressers une aspirine ?) 

Histoire ultra rapide des vitraux de la chapelle :
Au XIIIe, toutes les fenêtres sont ornées de vitraux.
XVIe. Guerres de religions. Une seule fenêtre échappe au massacre. On remplace par d'autres fenêtres XIIIe provenant d'autres parties de la cathédrale (bonjour la cohérence du cycle, du coup).
1858... Un ouragan qui passait par là endommage toutes les fenêtres. On a alors déposé les vitraux du XIIIe, jusqu'en 1876-1882. Et là, il a fallu combler les trous. D'où les fenêtres XIXe, qu'on a voulues de même style. 
Et, malgré quelques petites erreurs, l'ensemble est, au final cohérent. L'artiste qui a réalisé ces vitraux n'a pas hésité à puiser dans le répertoire médiéval qu'il avait sous les yeux. On retrouve ainsi des costumes qui sont, dans l'ensemble, très corrects. 
XIII ou XIX ? On a ce costume dans les deux cas. (mais là, c'est XIII)

Mais, parfois, il n'a pas compris ce qu'il voyait, et a mal interprété, il a simplifié, ou a laissé paraître des éléments XIXe. Les coiffures sont les éléments les plus frappants. Surtout si on considère la date de réalisation des vitraux. Ces coiffures anachroniques sur des femmes médiévales paraissent aussi anachroniques pour du dernier quart du XIXe siècle. L'artiste aurait-il pallié à sa méconnaissance des coiffures féminines médiévales en s'inspirant de la mode passée du XIXe ? 
Alors, quelle date ?


Un petit guide qu'il est bien utile pour (commencer à) s'y retrouver dans les vitraux de la cathédrale du Mans :
A. Marquet, La cathédrale du Mans, 1992.




jeudi 22 décembre 2016

RETOUR AUX SOURCES

MEDIEVAL DRESS AND TEXTILES IN BRITAIN
A Multilingual sourcebook
publié par Louise M. Sylvester, Mark C. Chambers
et Gale R. Owen-Crocker




Ceci n'est pas un bouquin drôle. 
Mais ceci est un livre vachement utile !
Et très intéressant.

Un livre de ressources comme on aime en avoir quand on farfouille sur les tissus médiévaux. 

Un livre de sources textuelles, classées thématiquement. 
Testaments
Comptes
Inventaires
Textes moraux et satiriques
Lois somptuaires et assimilées
Pétitions
Epopées et romans.

Il y a donc tous les types de textes qui nous sont utiles. Je trouve quand même que la place de la littérature de fiction, en fin de volume, est révélatrice. Ce sont ces textes qui sont, au final, le moins importants. Ils permettent de préciser des choses, de visualiser, et, parfois, ils nous amènent quelques informations capitales. Mais ils sont aussi ceux qui sont à manipuler avec le plus de précautions. 

Le glossaire en fin de volume est primordial, et sert aussi d'index, renvoyant aux différents chapitres. J'avoue que, parfois, on a du mal à retrouver le texte de base. Mais, on s'y fait. 

Evidemment, le texte original est aussi présenté. Ce qui est toujours intéressant pour vérifier un terme. 

Je ne m'attarderai pas sur les auteurs de cette compilation. Gages de qualité. 

Cela concerne le costume anglais, mais les rapports avec la mode française sont inévitables. Même s'il faut parfois moduler un peu. 

Medieval Dress and Textiles in Britain 
A Multilingual sourcebook
publié par Louise M. Sylvester, Mark C. Chambers
et Gale R. Owen-Crocker

Boydell Press, Woodbridge, 2014

£60 (environ 75€)


INDISPENSABLE, si vous lisez l'anglais. Pas d'images. Mérite l'investissement.

mercredi 21 décembre 2016

SHERLOCK HOLMES AU MONASTERE

LE NOM DE LA ROSE
THE NAME OF THE ROSE
de Jean Jacques Annaud
1986

N'allez jamais au ciné voir un film historique avec...
a) des reconstitueurs
b) des historiens de l'art
c) des historiens de l'art qui font de la reconstitution. 

Perso, je vais au ciné toute seule, ça évite de mettre les amis dans l'embarras (genre, ils savent plus trop où se mettre quand je me mets à crier "Sidonia von Bork" pendant Sleepy Hollow... Et puis, c'est pas comme si j'insistais "Non, mais, t'as vu ? C'est la robe de Sidonia von Bork". Je vous laisse même pas imaginer voir Gladiator ou le Seigneur des Anneaux avec moi). 

Mais, il fut un temps où j'allais au ciné avec des potes. J'étais à la fac. Et donc, c'était un troupeau d'historiens de l'art au ciné.
De quoi vous gâcher une séance ! 
Je me demande encore comment on s'est pas fait éjecter manu militari de la projection -salle comble- du Nom de la Rose, le jour de la sortie du film pour... spoiler. En n'ayant pas lu le bouquin (Ca, c'est rattrapé depuis.)
Ouais, parce qu'on savait les dialogues. On les disait en même temps que Sean Connery. 
"Oh le Beatus de Liebana". On l'a dit en même temps que lui, tous ensemble. (On a été bien dressés, je trouve).
Oh ! Le Beatus de Liebana ! (Tous en choeur)


Cette intro Mavie.com pour causer d'un film historique que j'adore. 
Le Nom de la Rose (je pense que tout le monde l'a compris. Déjà, parce que c'est écrit en haut.)

Tiré du roman d'Umberto Eco, qui en savait quand même une blinde sur le Moyen Age, le monsieur.
Et qui a pris des libertés avec l'Histoire dans son roman. (Ouais... Elle fait quoi là, la pseudo sorcière au début du XIVe ? Non mais, ça va pas la tête ???). Un bel exemple de liberté qui est juste là pour pimenter l'affaire. Il savait ce qu'il faisait, Umberto. (Epi, dans le livre, ben, c'est pas tout à fait comme dans le film. Mais on s'en fiche, c'est présenté comme un palimpseste du roman. Rien que pour ça, ça va).
On va dire que le coup de la sorcière, c'est le truc qui fait le plus tiquer niveau scénar. 
Ca et Bernardo Gui qui finit pas comme dans le film dans la vraie vie. 
Et Adso de Melk qui était bénédictin, pas apprenti franciscain, dans le livre. 
Et...
Non, j'arrête.
On s'en fiche. Le film est bien. Ca tient la route malgré ça.

En revanche, là où ça fait bondir un premier rang composé d'historien de l'art... C'est la Vierge à l'Enfant. 
Non, mais, elle a rien à faire là !!! Virez moi l'accessoiriste !!! C'est pas possible un anachronisme pareil ! Elle est venue en Tardis ! 
Au début du film, ça fait un peu tâche. Mais ça s'arrange ensuite. Du coup, on pardonne. 

Sherlock Holmes enquête chez Frédéric II, mais c'est plus tard et c'est dans le nord de l'Italie.


Ceci dit, ces petits arrangements avec l'histoire, ces boulettes d'accessoiristes, ces... costumes XVe qui n'ont rien à faire là en 1327, etc. ça montre bien que... si un film est bien tourné, bien joué, avec un bon scénar, une belle photo, etc., etc., Ben, on s'en fiche ! Parce qu'un film, c'est une histoire qu'on nous raconte et pas une leçon d'Histoire. Et l'histoire qu'on nous raconte, malgré cette... de Vierge qui a au moins 150 ans d'avance sur son temps dès le début du film... On y croit ! 
(Ca aurait été bien d'avoir un peu de couleurs sur certains murs quoi... les Bénédictins, ça aimait la déco... J'dis ça... A la fin, va y avoir une liste de "skivapadanlfilm" longue comme un jour sans pain. Mais... m'en fiche, c'est bien quand même !)

Le détail qui fait vrai.


On y croit, on se laisse prendre à l'ambiance. Sean Connery est épatant. Et on est content qu'il ait sauvé le Beatus et, visiblement, le Codex Manesse (sinon, on serait bien embêté pour certains costumes quoi. Merci William de Baskerville !). Ouf ! Les historiens de l'art lui disent merci !
Et si on se laisse prendre, même quand on est bien branché médiéval, c'est parce qu'on retrouve des tas de petits détails qui font vrais (et font avaler ceux qui vont pas). Les moines qui se moquent des lunettes de William. Les marges des manuscrits. Des trucs tout crétins comme les effets du froid. Le château de Frédéric II Ohen Hoenstophen (enfin, lui, là...) qui sert de bibliothèque (je trouve ça chouette, comme clin d'oeil, même si c'est pas forcément volontaire). Les griffons qui font tellement archi du nord de l'Italie... Et des réflexions bien plus intéressantes sur la richesse de l'Eglise, sur la vision de la femme et de la Vierge... Bref, des tas de choses qui vous font entrer dans le film, et entrer dans l'époque. Et comme l'histoire est bien... Rien ne nous en fait sortir (en dehors de la fin, parce qu'on va pas passer la nuit au ciné non plus).
Et y a pas que Sean Connery qui joue bien, en prime.  

Faut pas rire, on n'est pas sur terre pour rigoler... Bien. Malachie ne profite jamais...


Je ne vais pas raconter l'histoire en détail. Mais il est question d'un livre qui a l'air vachement bien... Et du coup, du pouvoir de la lecture, du savoir. Et il y a des meurtres, et même du sexe. Et du suspense, et du mystère.

Ah si, y a un truc qui me chiffonne... Est-ce que Christian Slater a soigné sa sinusite ? Parce que pour avoir la bouche tout le temps ouverte, il doit avoir le nez sacrément bouché ! 
Désolée... Mais... Je me pose la question chaque fois que je vois ce film. Vraiment. 
Inhalations d'eucalyptus, sinuspax, et ça ira mieux cette sinusite. Sinon, prévoir de s'installer dans un monastère du côté d'Allevard les Bains ou de Cauterets.


Comment ça vous l'avez pas vu ??? Naaaaaaaaaaaaan ??? Mais faut combler cette lacune immédiatement !
A VOIR, REVOIR, REREVOIR... On ne s'en lasse pas ! 
Et Roman à lire, et à relire !

mardi 20 décembre 2016

BOUQUINERIE

TIME REMEMBERED

Frances Horner




Un vieux livre... A trouver chez les bouquinistes... Si vous partagez mon amour de Burne-Jones.
Frances Horner était la fille d'un de ses mécènes, Mr Graham, homme politique écossais. Et Burne-Jones était un peu (euphémisme) amoureux d'elle. Elle était beaucoup plus jeune, évidemment. Elle adorait la compagnie de Ned. Et sa culture, et tout et tout. Mais... Il était peut-être un peu collant.
Du coup, elle lui a habilement présenté une amie à elle, mal mariée, Helen Mary Gaskell, avec laquelle Burne-Jones entretint une correspondance... Mais ceci est une autre histoire.
Time remembered, ce sont les mémoires de Frances Horner. 


Un chapitre entier est consacré à Burne-Jones, à ce qu'il disait, à ce qu'il pensait. 
Et c'est pour ce genre de petites phrases, de formules, de petits dessins, de traits d'humour, qu'on aime aussi Burne-Jones. C'est ce qui rend le bonhomme attachant. Très attachant. 
Ce chapitre est peut-être plus utile que bon nombre de bouquins entiers sur le peintre. 
J'aime ce chapitre, j'aime le bonhomme... J'aime le peintre.

Ah oui. Il parait qu'il y a d'autres chapitres dans cette autobiographie. Ils sont bien (elle a connu beaucoup de monde, la Dame). Mais si vous devez, un jour, acheter un vieux livre rien que pour un seul chapitre, c'est celui-ci. A moins d'être Burnejonesphobique. Et encore, ça pourrait vous faire changer d'avis ! 
Frances Graham par Rossetti, en 1869
 Est-il besoin de préciser qu'on retrouve régulièrement son visage dans les peintures de Ned ?

Lady Frances Horner
Time Remembered
Heinemann Ltd, Londres, 1933. 

Prix : variable selon les vendeurs. On peut le trouver à des prix abordables. 

INDISPENSABLE SI VOUS ETES NEDMANIAC !

lundi 19 décembre 2016

BOUQUINERIE

Fashion in Medieval France

Sarah-Grace Heller


Un excellent ouvrage pour comprendre ce qu'est la mode, et en particulier la mode aux XIIe et XIIIe siècles. Avec des explications passionnantes sur les phénomènes.
Le livre est essentiellement basé sur l'étude des textes, une étude poussée, intelligente, et raisonnée. Sarah-Grace Heller est une spécialiste de la littérature, et elle amène son expérience, sa pratique des textes médiévaux à son intérêt pour la mode. Cette approche de la mode médiévale est primordiale, car on sait combien les images peuvent être trompeuses, si on ne sait pas les utiliser. L'ouvrage de Sarah-Grace Heller permet ainsi, avec de nombreuses sources très bien référencées, de visualiser ce qui pouvait se faire ou pas.
Cela est d'autant plus remarquable puisque le livre est sans images. Ce qui pourrait être pris pour un défaut est, au final, une grande qualité. Les images peuvent décrire, appuyer un point de vue, mais elles peuvent aussi induire en erreur, ou détourner l'attention. Rien de cela ici, donc.
Et cet ouvrage est un must-have dans la bibliothèque de toute personne s'intéressant à la mode médiévale, et sachant lire l'anglais.
Certains vont trouver que le livre est un peu cher pour juste des images en couverture... Mais en fait, vu la qualité de ce qui est à l'intérieur... C'est cadeau ! Si, si !

Sarah-Grace Heller
Fashion in Medieval France
Brewer, 2007.
Prix : entre 50 et 65€ 

INDISPENSABLE

dimanche 18 décembre 2016

BOUQUINERIE

L'art de l'Amour au Moyen Age

Michael Camille.


Camille était l'un des grands espoirs de l'étude de l'image médiévale, hélas, disparu prématurément.
Une amie très chère m'a offert ce livre (et je l'en remercie) qui est tout aussi agréable à lire qu'à regarder.  Et comme c'est bientôt Nowell... Amour, paix sur la Terre, tout ça...
Le sujet de l'Amour est un thème fréquemment abordé par Camille (la fameuse histoire de la cale vient de ses écrits ;) Et on la retrouve ici). Nous avons donc là un ouvrage de référence sur la question.

Mais...

Car il y a un "mais".
Il s'agit d'une traduction en français. Et, parfois, il semble que le traducteur se soit allègrement emmêlé les pinceaux. Surtout entre les genres.
Pour avoir testé du Camille en VO et en VF, voire en reprise de ses théories dans des ouvrages en français... Parfois, il faut s'accrocher, et la confusion est clairement possible. Si Bartholeyns s'en était sorti très honorablement dans son article du Corps et sa Parure, le texte original restant plus convaincant cependant, d'autres se sont cassés allègrement les dents dessus (je pense en particulier à un ouvrage sur la cathédrale de Reims où le second degré de Camille n'a pas été compris du tout.)
Et ici ?
Je n'ai pas lu le texte en VO, mea culpa. Il m'apparaît néanmoins clair que, parfois, le traducteur n'ait pas su faire la différence entre hommes et femmes.
Et parfois, je me demande si Camille lui même n'aurait pas confondu certains personnages. Son analyse de Pyrame et Thisbé me laisse plus que songeuse. Ils sont entremêlés dans la mort... Et entremêlés dans le texte, ce qui est un chouïa plus gênant. Bref, mieux vaut connaître l'histoire pour reconnaître qui est qui et qui fait quoi. (edit : texte en VO lu... La confusion vient bien de M. Camille)
Autre boulette... L'expression "prison de soie" choisie pour désigner une figure féminine de la "tapisserie" de Bayeux. Qui est en laine sur lin. Mauvaise idée.
Et parfois, je ne peux que remarquer que quand Camille souligne les difficultés à identifier hommes et femmes au XIIIe et au début du XIVe siècle par costumes et coiffures... Eh bien... Pas d'accord, ce n'est pas si difficile quand on a étudié la question. (Mais on ne peut pas étudier tout comme il le faut, hélas. Ceci explique qu'il ait raté certains aspects qui sont évidents à qui s'intéresse au costume médiéval).
Encore un petit bémol. J'ai bien aimé le rapprochement entre ivoire et blancheur de peau. Mais, à mon avis, il aurait fallu insister sur le fait que les ivoires ont généralement des traces de polychromie. Ce qui change un peu la donne.

Ceci dit, il est toujours très rassurant de se dire que même les plus grands spécialistes peuvent se tromper, choisir une formule malheureuse, se mélanger dans les légendes ou montrer qu'il est humainement impossible de connaître tous les aspects de l'art médiéval...

Et en dehors de ça ?

En dehors de petites boulettes de ce type, facilement réparables si on a déjà une base dans l'art médiéval et la culture classique ? (Ce qui nécessite une approche vraiment prudente de l'ouvrage)



Ce livre est génial !
L'art médiéval profane est trop rarement abordé, donc cela permet de rééquilibrer les informations. Les clés de lecture sont évoquées de manière simple et compréhensible (la question du regard au Moyen Age -une notion qui permet aussi d'appréhender l'image médiévale-, le port du gant, les coiffures, par exemple. Dès le début, on apprend plein de choses !). Et que dire de l'importante question du rapport hommes/femmes ?
On peut aussi apprécier le fait que Camille rappelle que les ateliers passaient du profane au sacré et inversement, ce qui explique les liens, même iconographiques, entre les deux (avec ajustement selon le thème). Et puis, Camille fait partie des historiens de l'art médiéval qui n'ont pas peur de parler de la chose (le truc dont on cause pas trop, vous voyez ce que je veux dire... Je vais pas vous faire un dessin... Enfin... Ca, quoi... ) ce qui est plutôt utile quand on parle de l'Amour au Moyen Age. Faut pas oublier l'amour non plus.

Et il y a aussi quelques leçons à retenir pour nos messieurs à nous...
Messieurs, regardez bien la liste des cadeaux qu'une amante peut accepter de son chéri. Il n'y a ni aspirateur, ni sorbetière, ni grille-pain... Et pas parce que ça n'avait pas été inventé fin 12e début 13e. Mais parce que ce ne sont pas des cadeaux, ces trucs ! Non mais !

L'iconographie est riche, variée. On trouve tous les supports. Donc, on a des enluminures, des tapisseries, des aumônières, des coffrets, des valves de miroir, des bijoux, des dessins, des pièces de vaisselle, etc. Certains de ces supports semblent d'ailleurs être plus aptes à porter des décors profanes.

Je ne vais pas tout vous dire dessus, à vous de découvrir l'objet. 

C'est bien un livre dans lequel on apprend plein de choses, mais, il faut garder un petit oeil critique, surtout dans la version française (une comparaison serait vraiment la bienvenue) (edit : comparaison faite. La traduction est très bonne. Les reproches faits sont ceux du texte d'origine)

Michael Camille
L'art de l'amour au Moyen Age, objets et sujets du désir
Könemann, Cologne, 2000

The Medieval Art of Love, objects and subjects of desire,
Calmann & King, Londres, 1998

Prix : entre 10 et 112€ en VO (occasion)
entre 5 et 21 en VF (occasion)
(sans frais de port)
Dans les 40€ neuf en VO
Autour de 20€ neuf en VF.

Très recommandé, mais lecture critique conseillée, surtout en VF. 

Recommandé aussi, du même auteur :

samedi 17 décembre 2016

CONVENTION DU COSTUME

Reconstitution du costume médiéval

Un exemple de tenue noble du XIIIè siècle



Photo "officielle" de la convention, par Alain Warnier.


Voici la quasi totalité de ma conférence donnée lors de la convention du costume organisée par la Compagnie de l'Histoire et des Arts, le dimanche 10 décembre 2016.
Avec la participation de Catherine Lagier, des Guerriers du Moyen Age, et son costume, réalisé par ses soins, en tant que mannequin vivant, et l'aide de Mélanie Hamard, du Fil d'Histoire, pour l'habillage de Catherine. (Merci à elles)

Précision utile : les éléments tissés (voile, barbette et touret) sont l'oeuvre de Séverine Watiez (Perline la Tisserande).



La conférence est accessible ici :
Première partie :
 


Seconde partie là :



Merci aussi à toute la formidable équipe de la convention, en particulier Fanny, Carmen et Carmene, Elisabeth, Anne-Béatrice, et à Alisson, Sébastien, etc. Il y a trop de monde à citer. Mais c'était vraiment parfait ! 

Evidemment, c'est avec tics de langage... (et de la faute de français en prime...)
J'ai aussi parfois confondu "tissu" et "vêtement". C'est du sans filet, du coup, quelques petits cafouillages. Toutes mes excuses.  
Important : Muldenfaltenstil et Block Style sont des styles de l'art médiéval. Pas des types de tissus (c'est un peu confus sur la fin...). Mais, par une coïncidence amusante, les styles suivent l'évolution de la mode des tissus
Et dans la catégorie, je réagis en retard... Il y a un exemple de retaillage de vêtement, évidemment, mais c'est du XIVe : le manteau de Ste Brigitte, au couvent des Brigidines à Rome, fait à partir de sa cotte. (Relique non visible, malheureusement).